Culture

Non, l’écologie ne se résume pas aux injonctions manichéennes et aux angoisses existentielles des petits-bourgeois de gauche. C’est aussi une occasion de penser, et même de penser la réalité, ce qui, avouons-le, reste une grande et attirante aventure. Encore faut-il être d’accord de penser, bien sûr. C’est ce que proposent Dominique Bourg et Sophie Swaton. Le premier est philosophe des sciences, la seconde philosophe et économiste. Leur point de départ est que depuis des siècles, nous vivons dans un dualisme: la nature d’un côté, les humains de l’autre. Une nature réduite à une fonction «mécaniste» par les humains tout-puissants, dominateurs, libres de se servir de tout ce qui les entoure. Des humains ainsi séparés du reste du monde par leur supériorité supposée, et donc, on pourrait le déduire, de plus en plus séparés d’eux-mêmes. Il est bien sûr impossible de résumer ici les 332 pages de ce livre qui tord le cou à bien des «ça va de soi». Qui explore également la philosophie de Nietzche, de Spinoza et de l’injustement oublié Bergson, pour qui, expliquent les auteurs, «la pensée n’est pas une fonction du cerveau; elle est un flux dont on peut expérimenter la durée en soi». La pensée n’est ainsi pas l’apanage des humains. Plutôt que le dualisme cartésien, Dominique Bourg et Sophie Swaton proposent le monisme réflexif comme «une des postures métaphysiques possibles au regard de ce qui est en général». Précisant: «L’expérience ne nous est pas donnée, elle est bien plutôt ce par quoi nous sommes donnés à nous-même, en même temps que les choses nous sont données, puisque nous n’accédons à nous-même qu’en tant que pôle de relations ouvertes, indéfinies». Il y a soudain une grande liberté à ne pas se sentir différent du reste du monde: une liberté d'être.