Culture

Benoît Vitkine est correspondant du Monde à Moscou et a reçu le prix Albert Londres en 2019 pour son travail sur le Donbass. Son deuxième roman, Les Loups, est une fiction où apparaissent quelques personnages réels, d’autres inventés, et qui se lit comme le plus parfait des reportages, écrit avec style et impartialité. C'est le rêve du journaliste: avoir accès à tous les points de vue, à toutes les conversations, à toutes les pensées. En l’occurence, les pensées d’Olena Hapko, oligarque ukrainienne surnommée «la Chienne», ou «la princesse de l’acier», qui vient d’être élue présidente du pays. La Chienne a trente jours avant son investiture pour faire le ménage dans ses comptes et son entourage, s’assurer le soutien d’autres oligarques, en éliminer certains et préparer les réformes anti corruption promises. C’est sans compter sur le plus épineux problème du pays: le contrat gazier avec la Russie. C’est là qu’entrent en scène Vladimir Poutine et le patron de Rosneft, une conversation entre les deux au sauna, des chantages et des agents des deux côtés de la frontière. On comprend mieux la politique ukrainienne et russe, le jeu du chat et de la souris qu’il faut constamment jouer avec le grand voisin, la difficulté et le chemin considérable à parcourir pour faire de l’Ukraine - admettant qu’elle le souhaite - une démocratie «propre» à l'occidentale. Dans le village natale de la Chienne, aux portes de Donetsk, des scènes de «far east» à la fois captivantes et désespérantes scellent le destin de la nouvelle présidente. L’histoire d’Olena Hapko est totalement inventée, le reste, le décor, ne l’est pas totalement. Voici un roman d’utilité publique, pour qui voudra saisir les complexités de la crise actuelle.