Culture

«Nous sommes tous un peu Anna. Tout le monde ment...» L’avocat Todd Spodek, à bout de nerfs, répète sa plaidoirie. Sa cliente a un peu plus de vingt ans et est accusée d’avoir failli détourner, et détourné en partie, au total 40 millions de dollars à divers hôtels dont elle n’a jamais payé la note, à des amis, et principalement aux plus grandes institutions financières de Wall Street. Celle qui se faisait passer pour Anna Delvey, héritière allemande passionnée d’art, a berné pendant deux ans tout ce que New York compte de milliardaires. L’histoire, vraie et ici légèrement adaptée, n’a pas vraiment traversé l’Atlantique à l’époque, en 2018, Inventing Anna est donc l’occasion de se pencher sur ce qui deviendra à coup sûr un mythe des années Instagram, et peut-être un clou dans le cercueil du rêve américain. Car Anna Delvey et sa fortune familiale n’existent pas. Anna est une émigrée russe, fille d’un vendeur de frigos installé en Allemagne. C’est grâce à la presse, comme souvent, que la supercherie fut révélée. La série met donc en scène Vivian Kent, une reporter et future maman on ne peut plus normale. Fascinée par Anna, elle lui rend visite à Ricker’s Island, imprime des photos, les colle sur un mur et les relie entre elles avec des fils (la bonne manière de mener l’enquête, si l’on en croit les scénaristes ici peu inspirés). Au final, Inventing Anna n’est pas le procès des réseaux sociaux, des filtres et du papier glacé. Le sous-texte transparait chaque fois que, dans un bureau tout de verre, se discute avec désinvolture le sort de millions de dollars, les millions de dollars que brassent chaque jour les hommes de Wall Street, eux, toujours impunément.