Chronique / Monsieur et madame confinés
La plume qui caresse ou qui pique sans tabou, c’est celle d’Isabelle Falconnier, qui s’intéresse à tout ce qui vous intéresse. La vie, l’amour, la mort, les people, le menu de ce soir.
Le 11 avril, c’est l’ex-Miss France Iris Mittenaere qui fond en larmes en direct sur les réseaux sociaux parce qu’elle vient de se disputer avec son chéri Dieglo El Glaoui. Quelques jours plus tard, c’est le chanteur Raphaël qui se fait enguirlander par sa femme et mère de ses enfants Mélanie Thierry qui lui lance: «Je dois faire à bouffer, moi!» alors qu’il squatte la cuisine pour pousser la chansonnette en live sur Facebook.
Si les people, rois du glamour et de l’amour-toujours déballent leurs disputes de couple en public, c’est que l’heure est grave. Pour eux mais, plus important, pour tous les couples confinés dans leurs appartements depuis un mois. C’est qu’on ne s’est pas méfié. On a été pris par surprise, le 16 mars, un vrai coup bas.
Au début, on croit que c’est le week-end tous les jours, chouette. Et puis non, c’est plutôt comme la retraite tous les jours: on a des choses à faire, mais moins. Surtout, le bureau désormais zone interdite, on doit les faire depuis la maison. Du coup, le territoire domestique, habituellement celui des retrouvailles du soir et des week-end festifs ou paresseux, devient celui de tout le temps et de toutes les activités, professionnelles, personnelles et domestiques mêlées dans un complet désordre: repas, travail derrière l’écran, réunions professionnelles en ligne, discussion avec les copines, séances de cinéma, ménage, pauses pipi.
Dans la vraie vie, chacun a son travail, ses habitudes, ses collègues, sa machine à café. Mais là, quand il râle, c’est pour ma pomme. Quand j’ai envie de parler, il n’y a que lui pour écouter. Quand je suis de mauvaise humeur, pas de collègues pour l’atténuer. Si je laisse trainer ma tasse à café au bureau, c’est mon affaire. Si je laisse trainer ma tasse à café à la maison, c’est désormais un défaut coupable. Avant, c’était clair: à lui les poubelles, à moi la lessive. Maintenant qu’on peut tous deux tout faire, on se chamaille en tentant d’en faire moins encore.
Et puisqu’on ne se quitte plus, fini le plaisir de se retrouver. Puisque l’autre est toujours disponible, évanoui, l’espace pour se désirer. Adieu la libido, bonjour la camaraderie de la colocation.
C’est une bonne leçon. C’est bien fait pour nous: on pense que le couple, c’est un truc aussi évident que deux et deux font quatre. On imagine que cela va de soi, le couple. Qu’il suffit de poser deux noms sur la même boîte aux lettres et que c’est fait, on est un couple. Or, ça se bichonne, un couple, se chouchoute, se dorlotte, se manie avec tact, douceur, sensualité et compréhension.
Peut-être qu’effrayés, désormais prévenus du piège, les couples sortis cahin-caha du confinement voteront dès qu’ils en auront l’occasion pour repousser au maximum l’âge de la retraite. Ou alors, mieux, ils reprendront tout depuis le début, se rappelleront qu’être en couple ne veut pas dire prendre l’autre pour son passe-nerfs (pardon, mon chéri), sa boniche, son homme à tout faire, son pote de régiment ou son collègue. Ils se souviendront que l’amour est enfant de bohème, et le plus beau cadeau que la vie leur a fait, un jour, et pour toujours, peut-être. Autrement dit: chabadabadacorona.
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