Culture / Une tristesse qui n’en finit pas
«Des phalènes pour le commissaire Ricciardi», Maurizio de Giovanni, Editions Rivages/noir, 464 pages.
Dans le monde du polar, il ne doit pas y avoir de policier plus triste que le commissaire Ricciardi. Une tristesse qui a pour cause première une étrange faculté: il voit les morts, dans les rues, dans les maisons, partout. Il les voit au moment de leur décès et il entend clairement leurs derniers mots. Un maçon qui tombe d’un échafaudage, une petite fille qui se fait piétiner par un cheval, un garçon qui passe sous les roues d’un tram, des noyés, des pendus, des suicidés… Ça ne l’aide bien sûr pas à voir la vie du bon côté, mais ça lui donne des pistes lorsqu’il est appelé sur une scène de crime et qu’il entend ce que pensait la victime au moment de son trépas. Les aventures de Ricciardi se déroulent à Naples, dans les années 30. Le fascisme impose sa loi, les scugnizzi, les gamins des rues, se débrouillent comme ils peuvent, les pauvres gens aussi, tandis que la bourgeoisie fait ce qu’elle sait le mieux faire: veiller à ses intérêts, quel que soit le régime politique en place. Maurizio de Giovanni excelle dans les descriptions de Naples, de l’époque, des classes sociales, et il met en scène ses personnages avec brio. Les traductions en français ont du retard: Des phalènes pour le commissaire Ricciardi est le 8ème volume de ses (més)aventures alors qu’en italien un 13ème volume a paru cette année. Si vous ne le connaissez pas encore, commencez par le début, par L’hiver du commissaire Ricciardi. Car en parallèle des enquêtes policières, le vrai suspens réside dans les sentiments amoureux de Ricciardi, qui fait tout, et plus encore, pour se priver de l’affection des femmes qui le désirent. Les personnages secondaires sont eux aussi savoureux: le fidèle brigadier Raffaele Maione, le médecin antifasciste Bruno Modo, Bambinella le travesti fantasque, etc. Et Ricciardi, qui en général a peu d’appétit, se prive rarement d’une sfogliatella, ce qui est une preuve de bon goût.
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