Culture

C’était il y a 80 ans. A l’aube du 16 juillet 1942, la police municipale de Paris a l’ordre d’arrêter à leur domicile des milliers de Juifs étrangers. Les consignes sont claires et ne laissent planer aucune ambiguïté sur le sort qui leur sera réservé: couper les compteurs de gaz et d’électricité, fermer la porte et remettre les clés à la concierge. Un aller sans retour. Au total, 37’000 personnes sont visées par cette rafle. Un peu plus de 13’000 seront effectivement arrêtées et emmenées au Vélodrome d’Hiver, dans le XVème arrondissement, puis déportées vers les camps de la mort. Un tiers sont des enfants, la plupart nés en France et donc français. Moins d’une centaine d’adultes reviendra à la fin de la guerre; aucun enfant. Ce documentaire, coécrit par l’historien spécialiste de Vichy Laurent Joly, raconté avec sobriété par Vincent Lindon, met en valeur les témoignages des survivants de la rafle. Ceux-ci nous donnent une effroyable leçon républicaine: fils et filles d'émigrés de Pologne pour beaucoup, résidents en France depuis vingt ans, ils ne pouvaient pas croire qu’au pays de Voltaire et Zola, on puisse leur vouloir du mal... Avec nuance et droiture, le film regarde en face la responsabilité de la France de Vichy dans l’assassinat, au total, de près de 80’000 Juifs, français et étrangers. A l’heure où le révisionnisme s’est fait coquetterie médiatique, voire argument de campagne électorale, il s’impose à tous d’entendre les voix des derniers témoins, d’entretenir la mémoire, et de forger de nouvelles armes contre l’antisémitisme et la barbarie.