Culture

Une veille de Noël, en 2040 ou peut-être 2050. Notre consœur Sabine Dormond campe deux personnages: Clémence, 93 ans, en pleine forme grâce à ses multiples dispositifs électroniques qui contrôlent en permanence sa santé; et Chigiru, une jeune fille de son temps — c’est-à-dire pas du nôtre. L’intrigue s’établit autour de la visite surprise de l’arrière-petit-fils de Clémence, Loïc, qui noue rapidement avec elle une attendrissante relation transgénérationnelle. Autour des passages obligés du récit d’anticipation, nouveautés technologiques, fantasques mais pas fantaisistes, dérèglements climatiques anarchiques et inventions langagières (la romancière excelle en la matière) est introduite Cara, élément perturbateur de la relation entre l’aïeule et l’adolescent. Toujours irréellement parfaite et disponible, Cara est une influenceuse à l’audience colossale, dont l’une des plus grandes fans est la timide et mal adaptée Chigiru. A la lecture de Cara, tout le monde prendra un sérieux coup de vieux. Les filles sont séparées des garçons en classe, pour éviter le harcèlement. Les «anciennes» valeurs de liberté et d’autonomie des enfants sont battues en brèche par des parents hyper-anxieux. On ne mange plus de viande, il ne manquerait plus qu’on soit nécrophages, et le jeune Loïc est stupéfait devant les poules (et leurs œufs) qui cohabitent avec Clémence. Entre science-fiction bien maîtrisée et conte numérique, Cara donne à lire une proposition d’anticipation, crédible sur toute la ligne.