Culture

Enseignant, historien et voyageur, tel est le titre du livre récent de ce professeur de collège vaudois qui raconte son «parcours de vie». Le terme d’«honnête homme», né au XVIIème siècle, le qualifie bien: on trouve dans ces pages les qualités qu’appréciait déjà Montaigne. Il est cultivé, attentif, curieux, il fuit les excès, ne court après la gloriole, ignore la pédanterie. Et de plus, il partage son savoir. Heureux sont les élèves qui ont eu la chance de s’initier à l’histoire avec lui. Trente-cinq ans devant les classes lausannoises.

Ce Jeanneret a de qui tenir: un grand-père révolutionnaire issu de St.-Imier, un père médecin qui séjourna en URSS en 1936-1937. Pas étonnant que l’aimable prof soit de gauche. Mais guère militant, l’esprit critique toujours en éveil. Devenu historien, plus par son travail d’autodidacte que grâce à une université fort ankylosée à l’époque, auteur d’innombrables textes sur les grandes figures socialistes et communistes de nos parages. Inspiré aussi bien par le libéral André Lasserre que par de grands journalistes, tels Jean Lacouture ou André Fontaine, il a soif du vaste monde, l’aborde sans œillères, en «butinant», le regard vif, la mémoire riche des lectures. Qui projette un voyage trouve chez lui une façon de mieux l’aborder. On n’a pas tous la vocation et le talent des Nicolas Bouvier ou Ella Maillart. Mais rien n’empêche de voyager avec intelligence, dans tous les sens du mot. En embrassant à la fois le présent et le passé, en quête de rencontres avec les hommes et les femmes d’aujourd’hui et des vestiges prestigieux d’hier, célèbres ou méconnus. Quelle fringale! Jeanneret a commencé tôt, marqué par le Berlin ou la Prague de bien avant la chute du Mur, par la Suède pour des raisons familiales. Puis l’Asie, le continent qui compte le plus pour lui, avec une Inde qui éveille «fascination et répulsion», un peu d’Afrique, surtout celle du nord, si voisine, beaucoup d’Amérique latine, si proche de nous à travers sa culture, ses palpitations politiques et littéraires. Et partout, l’accompagnement de l’histoire. A lire et relire, sans préjugés, ouvert aux contradictions, même lorsqu’on est ancré dans ses convictions. Celles de Jeanneret, heurté par l’injustice sociale et le nationalisme échauffé, sont plus précieuses que jamais afin de ne pas perdre la boule en sillonnant le globe d’aujourd’hui.