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Culture / «Le soldat disparu», un autre regard sur l’Ukraine


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Nous sommes submergés d’images de cette guerre. Terribles, cadrées selon le récit des uns et des autres. Et pourtant nous restons si loin de la réalité vécue par ces hommes et ces femmes dans leur chair et leur cœur. Le film de Frédéric Gonseth et Catherine Azad apporte un autre regard. Il faut dire que ces deux parcourent ce pays depuis trente ans. Leur empathie libère la parole. Sujet: les prisonniers de guerre et leurs proches en quête de nouvelles, d’un éventuel retour. Ce qui pose au passage toute la problématique du CICR.



Un village à mi-chemin entre Kiev et le Donbass, au bout des routes de terre, une femme, puis deux, puis trois qui disent leur attente. Un fils, un mari, un amant, enfermés quelque part. On ne sait où. De la douleur dans les yeux, une colère rentrée contre l’agresseur, l’hommage aux héros, mais pas de surenchère, pas de haine. «Que la guerre cesse, que les nôtres reviennent….» La quête n’en finit pas. Auprès du CICR qui a pu «enregistrer» certains des soldats captifs, pas tous, et pu en visiter fort peu. Les délégués se donnent du mal mais les deux Etats belligérants n’entrouvrent guère les prisons, et encore moins selon les règles des conventions de Genève, c’est-à-dire sans préparation préalable, avec un suivi, sans témoin. A l’affût les familles guettent sur internet les vidéos qui courent de part et d’autre, montrant les détenus, souvent brutalisés. Cette pratique est prohibée selon les normes humanitaires, mais les visages entrevus apportent parfois une lueur d’espoir. «Il est vivant!»

Le film donne pourtant une idée de ce que vivent les captifs. Quelques-uns ont accepté de parler, d’un camp et de l’autre, relâchés grâce à des échanges de prisonniers organisés par les deux armées en conflit ou encore détenus. Ils s’expriment sans tirades, attentifs à ne pas nuire à leurs compagnons d’infortune qui n’ont pas eu leur chance. Un prisonnier russe raconte qu’il n’a jamais imaginé une telle issue: «Pour moi, c’était combattre, gagner… ou mourir.» S’il est libéré, il remontera probablement au front, d’autres feront tout pour l’éviter.

Outre ces témoignages recueillis avec une délicatesse remarquable, ce documentaire apporte une information méconnue. Les Ukrainiens considèrent chez les leurs deux catégories de prisonniers. Ceux qui se sont rendus sur ordre d’en haut, comme à Azovstal, et ceux qui l’ont fait parce qu’épuisés, à court d’armes et de munitions, sans l’accord de l’Etat-major. Ces derniers subissent l’opprobre et leurs familles sont privées de la solde qui leur est due. Des mères et des épouses ont trouvé le courage d’aller manifester à Kiev pour dire leur détresse et leur solitude, mais les médias locaux, sous contrôle, n’ont guère pu relayer leurs revendications.

Et là, il s’agit de prisonniers de guerre. Mais l’on ne sait rien de ce qu’il advient des détenus politiques. Des prétendus «collabos» arrêtés lorsque l’armée ukrainienne reprend un territoire occupé un temps par les Russes.

Ces dimensions tragiques de la guerre sont peu évoquées à l’heure où les Occidentaux affirment vouloir aider l’Ukraine à la prolonger. Elles sont néanmoins importantes au regard de son déroulement et des perspectives futures. Elles illustrent aussi le défi posé à la seule organisation humanitaire en charge de cet aspect: le CICR. Il est bloqué des deux côtés dans sa mission fondamentale parce que jugé dérangeant dans son action même, bien que celle-ci soit menée avec une extrême discrétion. Il y a un an, les Ukrainiens étaient irrités par l’image de la visite de son président d’alors, Peter Maurer, auprès du ministre russe Lavrov à Moscou. Aujourd’hui, les Russes ne le voient pas d’un bon œil, considérant peut-être que cette institution est très liée à la Suisse qui a jugé bon de prendre parti. Ce faisant, à tort ou à raison, elle n’a guère facilité la tâche du CICR.

Ces considérations ne sont pas l’objet du film Le soldat disparu qu’il faut voir quelle que soit notre opinion sur le conflit. Il permet à la fois de prendre de la hauteur et de plonger au ras boueux de la tragédie humaine.


Où le voir ? Prochainement à la RTS et dans les salles suivantes, en présence des auteurs:

Dimanche 2 avril 2023 à 11h00 - Cinéma Bel-Air à Yverdon

Dimanche 2 avril 2023 à 15h00 - Cinéma Royal à Sainte-Croix

Lundi 3 avril 2023 à 18h30 - Cinéma Rex à Vevey

Mardi 4 avril 2023 à 18h30 - Cinéma Odéon à Morges

Jeudi 6 avril 2023 à 18h00 - Cinétoile à Lausanne-Malley

Samedi 8 avril 2023 à 17h00 - Cinéma d'Echallens

Mardi 11 avril 2023 à 20h00 - Cinéma Grain d’Sel à Bex

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

2 Commentaires

@Susi 31.03.2023 | 13h48

«Voici une pétition qui pourrait peut-être sauver des vies.... si nos politiques s'y intéressaient:

https://chng.it/J8h9GyPyqc»


@Susi 31.03.2023 | 13h51

«Voici la pétition: "Ukraine: ajouter la mort à la mort. NON !" Ci-après le lien:
https://chng.it/J8h9GyPyqc»


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