Culture / La tendresse du béton armé
«Leur Chamade», Jean-Pierre Montal, Editions Séguier, 256 pages.
Jean-Pierre Montal a le talent des mélancolies urbaines. Paris, La Défense, les petites villes de la Loire, même vague à l’âme pourvu qu’il y ait du béton. Pas simple de faire vivre dans un roman ses émois architecturaux. D’évidence, il faut commencer par camper deux personnages d’architectes. Edwige Sallandres, la courageuse, l’indépendante, et Daniel Giesbach, le vieux beau, l’ancien génie célébré comme une statue, qui fut le mentor et amant de la première. Une relation comme deux piliers autour de laquelle le romancier dessine des arc-boutants bien ancrés dans le passé. La Chamade, le roman de Sagan, revient avec sa Lucile et ses amoureux comme un motif. L’adaptation d’Alain Cavalier, avec Deneuve, Piccoli et les autres, c’est ce qui relie entre eux Edwige, ses parents, les amours perdues de sa mère Jacqueline, une robe Saint-Laurent aux motifs géométriques, des lignes droites comme un destin. Edwige perd sa mère, exhume un journal intime, vole au secours de Daniel rattrapé par une affaire #MeToo, le film de sa vie rembobine, recommence, prend des sens qu’il n’avait pas. «Les architectes fabriquaient des ruines», comme nos journaux usés, comme nos souvenirs, comme un mur peint en bleu Gitanes dans un musée flambant neuf. Il y a ici la nostalgie universelle, impossible à dynamiter ou à incendier, ce que les hommes bâtissent, ce qui vit, ce qui survit de nous.
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