Culture / La grande désillusion
«Pouvoir», Philippe Testa, Editions d’En Bas, 216 pages.
Les deux personnages principaux du récit de Philippe Testa ne parviennent pas à être présents au monde. Le premier travaille dans une usine agro-alimentaire, il est content d’avoir du travail, de ne pas être au chômage, est plus ou moins méprisé par sa femme. Le second est écrivain, il se sent amoureux d’une jeune prostituée, a perdu contact avec sa fille, regarde la vie avec un grand désabusement. Ces deux hommes que rien ne semble pouvoir réunir vont faire connaissance par le biais d’un homme politique à la mode, mélange improbable d’Emmanuel Macron et d’Eric Zemmour. Tout le monde est excessivement bavard dans ce livre, donne l’impression de se rassurer comme il peut, personne n’agit véritablement. Sauf l’homme politique, censé être le méchant de l’histoire, le vilain manipulateur entouré de nervis, «homme d’un siècle où l’image est tout». Son discours est pourtant clair: «Les gens ne se font pas d’illusions: ils savent parfaitement de quelle façon certains principes d’efficacité économique ont pourri leur vie…» Pouvoir est un livre intéressant car il montre comment l’époque nous amène à être dupes de nous-mêmes, de ce nous-mêmes spectaculaire construit culturellement, hors de toute réalité. C’est au tout début du livre que l’ouvrier de l’agro-alimentaire donne une des clés du désespoir profond qui colore le récit: «On discute qu’avec ceux qui voient les choses comme nous. Plus personne a vraiment envie d’être confronté à un autre avis que le sien. (…) On cherche qu’à être confortés dans nos opinions. On veut seulement des confirmations de ce qu’on pense. Et de ce côté-là, je suis comme n’importe qui.»
VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
1 Commentaire
@sy 12.04.2023 | 08h51
«C'est vrai que les personnages parlent beaucoup... Mais ils finissent par s'entendre. A une époque où tout le monde parle et personne n'écoute, c'est un message d'espoir.
Et j'ai aussi apprécié la plongée dans l'intériorité des tréfonds sales d'un homme fort, avec toujours une certaine dose de provoc' punk.»