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Culture / L’art jubilatoire et jaculatoire d’Armand Avril


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A 99 ans, l’artiste lyonnais expose ses nouvelles créations à la galerie RichterBuxtorf de Lausanne. Des chats et des chattes, et aussi des palmiers à la forme sans équivoque. Diverses techniques sont utilisées – peinture, collages, encre… – et les supports sont d’anciens sacs de farine ou des pages de magazines. Bienvenue dans le joyeux monde d’un irréductible esprit libre.



Sur les murs de la galerie RichterBuxtorf, les œuvres d’Armand Avril ouvrent des portes vers l’imaginaire. Le visiteur n’est plus à Lausanne, il baguenaude dans un paysage coloré où se croisent des chats coquins et des chattes taquines – à moins que ce soit l’inverse – sous des palmiers bien érigés dont les feuilles font comme un jet. Les œuvres, toutes verticales, sont composées de peinture, d’encre, de papiers découpés, de colle parfois… Les chats et les chattes ont pour support d'anciens sacs de farine, les palmiers des pages de magazines. C’est très gai, tout à fait insolent, délicieusement inconvenant, joyeusement libidineux.

Conversation téléphonique

Armand Avril est âgé de 99 ans, il vit à Cotignac, un village du Var, dans une maison qui est un vrai capharnaüm comme on a pu le constater lors d’une facétieuse conversation à distance via un appel vidéo durant lequel l’artiste n’a pas cessé de rire.

− Bonjour, vous allez bien?

− On s’en fout. Je vais bientôt crever. Pose tes questions!

− Les palmiers qui sont exposés à Lausanne, ils ressemblent à…

− Ce sont des palmiers. Il y en avait à Cotignac, ils étaient malades et on les a coupés.

− Oui, mais ceux que vous avez peints, ils ressemblent…

− Ils ressemblent à des bites qui éjaculent, oui. J’ai vu les palmiers et ça m’a fait penser à ça…

− Est-ce en rapport avec le fait que Cotignac, où vous vivez, est un lieu de pèlerinage pour les couples qui veulent faire des enfants mais n’y parviennent pas?

− Je n’en ai rien à foutre des enfants! Je préfère les mamans…

Nous ne transcrirons pas l’entier de la conversation pour épargner les oreilles prudes et délicates. Ce que l’on peut dire, c’est qu’il y a quelque chose de jaculatoire dans l’œuvre d’Armand Avril: «un jaillissement intérieur intense, exalté, lyrique», une prière à la vie.

Un capharnaüm organisé

Au-delà des provocations verbales et graphiques de l’artiste, il y a chez lui une recherche véritablement artistique, une exploration, des lignes de fuite, la création d’agencements où le hasard n’a pas sa place, malgré les apparences et la facilité avec laquelle il semble créer. Sacs de farine ou pages de publicité, ses supports tout à la fois portent les œuvres et y participent. Lorsqu’il découpe du papier à la main – «Je n’aime pas les ciseaux, c’est trop tranchant!» – la déchirure est faite en toute conscience. Armand Avril vit peut-être dans un capharnaüm, mais c’est un capharnaüm organisé, auquel il ne cesse de donner du sens. Un sens artistique s’inscrivant dans l’histoire de l’art qu’il maîtrise parfaitement bien. «Lorsque je rends hommage à Matisse, je connais suffisamment son œuvre pour sentir ce qu’il faut faire pour ne pas simplement le copier, pour utiliser son influence à ma manière.» Il aime Matisse, Dufy, Bonnard, Picasso, Pollock, Rothko, Malevitch… «Mais je n’aime ni Dali ni Buffet…»

Si Armand Avril aimerait bien sûr vendre plus, l’essentiel n’est pas là pour lui, plutôt dans la joie. «Je voudrais que ma peinture fasse rire!» Lorsqu’on voit ses chats ou ses palmiers, on se dit qu’il a réussi son pari. Sa peinture est gaie, joyeuse, irrévérencieuse, hommage sans cesse renouvelé à la vie et au désir. Jaculatoire et jubilatoire.



«Salut Avril!», du 8 mars au 5 avril, Galerie RichterBuxtorf, Lausanne 


La bio de l’artiste

Armand Avril est né en 1926 à Lyon. Son père, Marcel Avril, est peintre et collectionneur d’art africain.

A 16 ans, Armand devient apprenti berger en Provence. C’est muni d’un carnet de croquis et d’un livre sur l’histoire de l’art qu’il garde les moutons.

Son père meurt en déportation.

Ce n’est qu’à 30 ans, en 1956, qu’Armand se lance en autodidacte dans la peinture, influencé par Raoul Dufy, Pierre Bonnard, Henri Matisse et l’Ecole Lyonnaise de peinture. Il expose pour la première fois en 1957.

En 1960, il part pour un voyage d’une année en Afrique noire. Il y rencontre le peintre Jean Arène qui lui fait découvrir le village de Cotignac dans le Var et lui présente Louis Pons, peintre et assembleur d’objets. Plus tard, Armand découvre les travaux de Gaston Chaissac et de Kasimir Malevitch.

Cette année africaine marque un tournant dans sa vie. Avril s’établit à Cotignac et donne une nouvelle orientation à sa création. Désormais, il construit des «montages» en assemblant sur des panneaux de bois divers objets récupérés. Bouchons de champagne, pinces à linge, touches de piano, capsules, morceaux de bois, de tissu ou de carton, sont sciés, coupés, organisés, collés et peints. Naissent des tableaux vivants, colorés, souvent humoristiques.

Paul Gauzit, de la galerie Le Lutrin à Lyon, l’encourage dans cette démarche et lui organise sa première exposition personnelle en 1970.

En 2008, le musée des Beaux Arts de Lyon lui consacre une grande exposition. Ses œuvres font aujourd’hui partie de l’exposition permanente du musée.


Armand Avril sur Facebook 

 

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1 Commentaire

@JNSPQM99 09.03.2025 | 09h37

«J'ai l'impression que c'est de l'Art brut.»