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Culture

Culture / Là où le mal interroge

Jacques Pilet

26 mars 2021

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«J’ai tangué sur ma vie», Maryssa Rachel, Editions Magnitudes, 370 pages



Maryssa Rachel, vous la connaissez, elle a lu pour vous, sur son podcats de BPLT, de grands textes qu’elle sait choisir, mettre plus qu’en voix, en chair. Si vous la suivez sur FB, vous vous étonnez à chaque page de sa beauté suffocante qu’elle partage avec un naturel franc de collier et des mots acérés. Attention: son dernier roman ne surgit pas pour vous caresser l’humeur. C’est un immense cri. Le récit de la vie d’un père, le pauvre Dédé qui n’en a jamais mené large. Son seul amour était à sens unique. Mais qu’il a aimé sa fille, arrivées comme par accident. Il inventait des histoires pour elles, des nuages qui faisaient les gros yeux, des danses et des ballades. Son fils, lui, le rejetait. Mais l’alcool, par petits verres, par rencontres avec les pseudo-copains, puis par les bouteilles cachées, a cassé la maison, meurtri l’entourage. Page après page, on suit la dégringolade de Dédé qui finit par crever seul, retrouvé dans la puanteur, trois jours après. L’alcool ravage tant de vies. Mais on n’en fait guère des romans. Maryssa Rachel, elle, réussit à nous captiver avec ce destin pitoyable. Par phrases courtes, directes, regards pénétrants. Jamais de morale à quatre sous comme on nous en déverse matin, midi et soir, à tout propos. Sans démonstration psychologisante comme il est de mode. On retrouve dans les affaires du pauvre homme une lettre où il demande pardon à sa femme, à ses enfants qui à leur tour, devant la tombe, demandent aussi pardon. Mais ce personnage, s’il est banal à en pleurer, n’est pas insignifiant. Outre les cicatrices, il a laissé d’autres traces, d’amour, de tendresse, de joies minuscules. Son histoire de fait songer à ce péril sournois, si fréquent, qui ne guette pas seulement les timides, les perdants et les laissés pour compte. Par son regard libre et son talent, Maryssa Rachel, sans prétentions mondaines, fait honneur à un paysage littéraire français égaré, ces temps-ci, dans les sempiternelles thématiques que nourrissent les magazines. Qui veut en sortir doit lire ce livre qui touche juste là où le mal interroge.


 

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