Culture / Courez voir «Courir»
(et la course à pied,
on s’en fiche un peu)
Le dernier spectacle de Thierry Romanens repart en tournée dès janvier 2018: bouleversante évocation de la course à la liberté dans la Tchécolsovaquie des années 1950. Et formidable originalité d’une création théâtrale entre texte et musique.
J’ai vu Courir au TKM à Lausanne-Renens à la veille des obsèques de Johnny Halliday. Et, pardon Johnny si j’ai péché, j’ai eu, en sortant du formidable spectacle de Thierry Romanens, une pensée désobligeante pour le saint patron des rockers français. Je me suis dit: ce gars-là avait une belle voix et toutes sortes de talents humains, mais quand même, il n’a strictement rien inventé. Thierry Romanens est un créateur profondément original, ce qu’il fait est à la fois bouleversant, qualité cinq étoiles et hors catégorie, pourquoi n’a-t-il pas au moins autant de fans? Réponse rude mais réaliste: précisément parce qu’il est profondément original. Déjà qu’on ne sait pas dans quelle case le mettre dans un agenda culturel: très mauvais pour le marketing.
Ce que Thierry Romanens a de profondément original (au théâtre, s’entend, parce qu’il est aussi chanteur, auteur, dicodeur): une manière unique de dire/chanter, de fusionner concert et récit, de proclamer un langage métis avec une liberté qui semble dictée par la pulsion pure, les amours sauvages du texte et de la musique, des amours d’avant la séparation. Ses complices musiciens sont ceux du trio électro-jazz Format A’3, il s’embarque avec eux dans des voyages littéraires avec une énergie de voyou et une intuition d’amoureux.
Après Voisard, vous avez dit Voisard?, basé sur des textes du poète jurassien, voici donc, co-mis en scène avec Robert Sandoz, Courir, l’histoire du coureur de fond Emil Zatopek, d’après le «roman» biographique de Jean Echenoz: Emil Zatopek, ou le destin poignant d’un adolescent ouvrier des usines de chaussures Bata à Zlin, en Tchécoslovaquie en 1939, devenu, dans une solitude glacée et initiatique, l’homme le plus rapide du monde et, par effet collatéral, héros du régime socialiste. Avant la chute, direction mines d’uranium, pour sympathie vis-à-vis du Printemps de Prague. On danse sur la crête entre histoire individuelle et collective, on respire un air unique, ça pulse, ça swingue, ça halète, c’est un moment rare.
Vous l’aurez compris, pas la peine d’être fan de course à pied pour courir voir Courir. Et si les prochaines dates ne vous conviennent pas, ne vous découragez pas, allez sur le site du spectacle et attendez la suite. Ce qui est bien avec Thierry Romanens, c’est qu’il fait des spectacles marathoniens: légers, qui courent longtemps.
VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
1 Commentaire
@Deuborch 04.01.2018 | 18h08
«Bien joué!»