Chronique / La nouvelle loi de Godwin, éloge des femmes infidèles et interrogations coupables
S’il était habituel de traiter son adversaire de suppôt d’Hitler pour le disqualifier, aujourd’hui Trump ou Poutine font aussi bien l’affaire. Une bande dessinée évoque la vie sexuelle d’Anaïs Nin, c’est enchanteur. En Suisse, face à la Covid-19, les règles varient d’un canton à l’autre et le relever pourrait être considéré comme une preuve de complotisme.
J’aime beaucoup les débats, la réflexion et sa construction. Peut-être est-ce dû à mon passé de maçon. La parole, comme des briques et du mortier, donne forme à la pensée. Aujourd’hui, j’ai l’impression que le débat se raréfie. Plutôt qu’il s’est transformé en une parodie. Une des pratiques couramment utilisée consiste à disqualifier l’adversaire afin de disqualifier ses idées sans avoir à argumenter. Vous connaissez sans doute la loi de Godwin: «plus une discussion en ligne dure longtemps, plus la probabilité d'y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Adolf Hitler s’approche de un». Cette règle a été établie en 1990. Aujourd’hui, on pourrait en compléter la définition avec la mention d’autres dirigeants politiques, par exemple Donald Trump et Vladimir Poutine, ou celle des qualificatifs «populiste» et «complotiste». La pensée ne se construit plus brique après brique, elle est noyée sous des tonnes de béton manichéen. Si j’étais plus jeune, je retournerais à la maçonnerie.
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Les Editions Casterman ont édité une bande dessinée très intéressante: «Anaïs Nin, sur la mer des mensonges», de Léonie Bischoff. Les dessins sont réalisés au crayon de couleur et savoir si on les aime ou pas est une question de goût peu intéressante. Comme il est peu intéressant de gloser sur l’aspect moralisateur du titre. L’écrivaine Anaïs Nin (1903-1977) était mariée à un sympathique et tendre employé de banque qui ne la satisfaisait pas sexuellement. Ensuite, elle a rencontré Henry Miller, couché avec lui, lutiné sa femme, puis elle a couché avec son cousin, avec son psy, avec son père, avec son professeur de danse, avec son nouveau psy. Elle tenait deux journaux intimes: celui qu’elle montrait à son mari et celui dans lequel elle consignait ses aventures sexuelles. Ce que j’ai trouvé formidable, c’est qu’elle était infidèle à tous ses amants, donc libre, les libérant ainsi eux-mêmes.
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«D’un canton à l’autre, les règles face au virus changent», titre le quotidien 24 heures. L’article énumère les différences entre les cantons suisses quant au port du masque, au traçage, aux règles en vigueur dans les établissements publics et concernant les événements privés. Par exemple, à Fribourg «une limite de 300 personnes est imposée pour les rassemblements privés. Des exceptions sont possibles sur demande», tandis qu’à Neuchâtel «les rassemblements privés de plus de 30 personnes doivent être annoncés au Canton au moins cinq jours à l’avance». Quelles conclusions un esprit rationnel peut-il en tirer? Que les Fribourgeois sont moins fragiles que les Neuchâtelois? Plus conviviaux? Moins bien protégés, mieux traités? La crise sanitaire actuelle est-elle gérée par l’irrationnel ou par l’aliénation? Est-il possible de s’interroger ainsi sans tomber sous le coup de la loi de Godwin? Répondre à toutes ces questions est un vrai casse-tête. Jamais cette chronique n’a aussi bien porté son nom.
Comme la migraine.
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