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Chronique

Chronique / De l’exemplarité des politiciens

Chantal Tauxe

21 mai 2018

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Système de milice oblige, la Suisse n'aime pas se pencher sur les conflits d'intérêts. Notre chroniqueuse se demande jusqu'où doit aller l'exigence de transparence sur le train de vie des élus.



Y aura-t-il à l’avenir des services de «compliance» dans les partis ou les administrations publiques, comme c’est désormais le cas dans les banques? Vérifiera-t-on systématiquement la conformité aux règlements et à l’éthique des décisions et des comportements de nos élus?

Sommes-nous certains de vouloir vivre dans une société du soupçon permanent et du contrôle obsessionnel?

De plus en plus de polémiques naissent d’une question légitime, quoique dopée par le populisme anti-élites  ambiant: qu’est-ce qui est permis à nos politiciens dans leur train de vie, qu’est-ce qui ne l’est pas? Qu’est-ce qui procède de relations conviviales ou de petits arrangements obscurs? Ainsi, Pascal Broulis a-t-il correctement déclaré ses revenus là où il le devait? Ou, Pierre Maudet a-t-il voyagé avec sa famille gratis à titre privé ou officieux? Ou encore, un parlementaire peut-il faire un tour en hélico pour contempler la Patrouille des Glaciers, invité par la Loterie romande?

Les polémiques enflent – et elles finiront peut-être par faire pschittt - parce que nos règles sont floues. En matière d’exemplarité des élus, la Suisse est un cas à part. Tout son édifice politique repose sur le principe de milice: la tradition veut que les politiciens travaillent pour gagner leur vie et n’exercent que par devoir citoyen un mandat pour lequel ils sont modestement défrayés.

Que ce service patriotique accessoire soit devenu une fiction - surtout au niveau fédéral où nombre de parlementaires sont professionnels – n’a guère modifié les mentalités: la Suisse reste terriblement peu sensible aux conflits d’intérêts. Le mélange des genres et le sentiment que le politique doit toujours s’effacer dévotement devant les impératifs économiques s’imposent, sans grande contestation.

Les remarques des instances internationales, tel le Greco (Groupe d’Etats contre la corruption), sur l’absence de transparence du financement des partis et des campagnes, se heurtent à une indifférence granitique. Tout se passe comme si notre démocratie directe était si parfaite que tout questionnement sur les flux d’argent qui l’irriguent relèverait du crime de lèse-majesté.

Les affaires Broulis et Maudet ont atteint l’image de deux politiciens qui passaient jusque-là pour des exemples d’intégrité et d’efficacité. On verra si leurs fautes sont avérées ou si elles n’ont tenu le haut du pavé qu’à cause de leurs maladresses de communication. Quoi qu’il en soit, il reste sain en démocratie de débattre périodiquement de l’éthique des élus, et il est certain que notre vie politique ne serait pas altérée par des règles de transparence accrue, et l’instauration de contrôles plus sourcilleux par les commissions de gestion ou de surveillance. Tous les citoyens seront d’ailleurs appelés à voter sur une initiative «pour plus de transparence dans le financement de la vie politique», qui a abouti l’an dernier, et qui permettra de mesurer la réelle sensibilité populaire en la matière.

On se gardera toutefois de promouvoir l’avènement de politiciens plus blancs que blancs devant se soumettre à un strip-tease patrimonial ou fiscal complet, public et permanent. Les élus sont des citoyens comme les autres, ils ont aussi droit à leur sphère privée. Aucune loi, aucun code de conduite, aussi tatillons soient-ils, ne remplacera l’éthique personnelle.

Souvenons-nous de l’affaire Cahuzac: le ministre français, qui détenait un compte bancaire en Suisse, a menti «les yeux dans les jeux» au président de la République François Hollande, et devant l’Assemblée nationale. Non, rien ne pourra jamais remplacer l’éthique personnelle. En démocratie, la confiance ne s’ordonne pas, elle se délègue autant qu’elle se mérite.

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

6 Commentaires

@Jnc 22.05.2018 | 18h02

«Ne pas oublier cette maxime d'Edouard Herriot, maire de Lyon pendant plusieurs millénaires, inoxydable pilier de la IIIe, puis de la IVe République française, au légendaire coup de fourchette: " La politique, c'est comme les andouillettes. Il faut que ça sente la merde. Mais pas trop."»


@Marges 22.05.2018 | 18h35

«Votre article est aussi puissant que l'image du Cervin ! Une belle carte postale de cette suissitude hyper démocratisée.
Je me réjouis de lire vos infos qui pourraient être publiées si l'affaire M le maudit sera examinée par le Ministère public.
Au plaisir de vous lire sur Bon pour la tête
»


@Bogner Shiva 212 23.05.2018 | 09h30

«Je retiens une petite phrase "de modestes défraiements... " Haaaa boooon ? Me rappelle une question posée par votre serviteur dans le cadre d'Infrarouge à un politicien concernant le percement d'un énième tunnel dans les Alpes et le très probable enrichissement de "petits copains" du ledit politicien qui vont s'en mettre plein les poches et réponse en direct " mais j'en ai DEJA plein les poches " !!! Marrant de voir ce Monsieur essayer de se dépatouiller avec sa réponse en direct... ! Que dire des J.O's en Valais ? Notre gouvernement est complètement corrompu. Noyauté par des lobbys qui ne devraient pas être là , pas tolérés ! Des parlementeurs ( oui c'est voulu ) siègent plus souvent dans des conseils d'administration, toujours des même partis d'ailleurs que dans les travées où ils devraient bosser pour notre bien-être et qui ne représentent plus que des intérêts privés, ainsi que les leurs, d'intérêts au passage ! Intérêts financiers et ou en nature... ! Cela s'appelle de la corruption point barre ! Donc oui, pour une "chasse aux sorcières", des enquêtes du Ministère Public, je me pose la question quand à son indépendance , devraient être lancées. Des comptes épluchés, des accointances fleurant bon l'étron mises à jour, des compromissions douteuses dénoncées. Bref de gros travaux de nettoyage, d'épuration, de moralisation de la chose publique, oui cela sentirait la STEP un mois d'Août pendant quelque temps mais nécessaire. Des nations l'ont fait, exigées par le Peuple souverain, pourquoi pas ici en Suisse ? Les politiciens et les couches culottes doivent être souvent changées, pour exactement les mêmes raisons ! J'assume la pleine et entière responsabilité de mes propos :»


@Lagom 25.05.2018 | 00h47

«Le peuple genevois ne réalise pas encore l’énormité de l’affaire d’Abu Dhabi. La démission de la conseillère fédérale Madame Kopp passe pour un fait divers comparativement. Ici vous avez un homme qui apprend le 21 août 17 que son voyage moitié privé moitié affaire est sous la loupe du ministère public. Malgré cela il va à Berne briguer le poste suprême de conseiller fédéral. Il passe sous les scanners des partis politiques sans dire un mot sur l’affaire. Il échoue, Dieu merci, en faveur de M. Cassis, il revient à Genève pour se faire élire, il organise une conférence de presse dans laquelle il déclare que celui qui l’a invité ne savait pas qu’il était conseiller d’Etat. Les 6 autres magistrats élus le choisissent comme Président alors qu’ils savent qu’il y aura des enquêtes et que la législature qui vient de commencer sera rythmée par cette affaire. Cerise sur le gâteau ils annulent le département de l’économie.
En plus, vous avez un ministère public qui n’a rien fait pour empêcher la collusion entre les 2 serviteurs de l’Etat qui sont les acteurs principaux de cette affaire alors qu’avant même d'annoncer l'affaire à M. Maudet le 21.08.17 son chef du cabinet aurait dû être interrogé.
Je pense que nous risquons de perdre le rayonnement de 3 procureurs parmi les meilleurs ainsi que l’enfant chéri de notre république. Alors qu’à l’origine l’affaire était banale. Il aurait dû venir à la télé le 21 août 2017 dire; écoutez j’ai eu un moment d’égarement en 2015 qui n’a aucune conséquence sur les affaires de l'Etat et je vous demande de me pardonner. Le peuple l'aurait pardonné. Concernant Berne franchement il aurait dû s’abstenir.
»


@Lore 25.05.2018 | 08h09

«Que pouvons-nous faire comme simple citoyen vaudois pour empêcher la belle maison où se trouve le Musée de l’Elysee actuellement de devenir le siège de du gouvernement vaudois? Merci pour vos suggestions.
Il y a suffisamment de bâtiments laids dont on a autorisé la construction que le gouvernement peut occuper.
»


@JeanPaul80 31.05.2018 | 12h50

«Comment avoir confiance en des gens qui, chaque jour, font parler d'eux, de leurs magouilles, de leur grandiloquence, convaincus qu'ils sont d'être tellement supérieurs au bas peuple ? Essayez donc de vous faire inviter, tous frais payés, avec toute votre famille, pour passer des vacances à Abu Dhabi, essayez aussi de cacher une partie votre argent au fisc, demandez qu'on vous offre un abonnement général CFF. Comment le justifie-t-on ? De qui se moque-t-on ? La Suisse n'est pas meilleure que les autres, malgré ce que la plupart des gens imaginent.»