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Chronique / Chers pères, vous vous trompez


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La plume qui caresse ou qui pique sans tabou, c’est celle d’Isabelle Falconnier, qui s’intéresse à tout ce qui vous intéresse.



Chers pères,

Vous vous trompez.

Vous ne voulez pas de congé paternité. Changer les couches d’un nouveau-né le premier, le deuxième ou même le cinquième jour, vous n’en voulez pas. Regarder votre femme post-césarienne dormir, vous n’en voulez pas. Et d’ailleurs, ça ne sert à rien. Ce que vous voulez, c’est jouer au foot avec votre gosse, aller le chercher à l’école en sautant dans les flaques avec lui, lui présenter l’ours blanc empaillé du musée d’histoire naturelle, le gronder lorsqu’il fait une bêtise.

Faites-le. Pardieu, morbleu, mille sabords, faites-le. Prenez tout cela. Vivez ces moments. Faites la révolution sans attendre un feu vert des autorités politiques et patronales de votre pays. Prenez votre vie en main. Qu’attendez-vous? La Saint-Glinglin? Pourquoi diable compter sur un éventuel possible futur article de loi qui vous accordera chichement deux, trois, cinq jours de congé au moment de la naissance de votre bébé, deux, trois ou cinq jours qui ne changeront rien ni à votre vie, ni à celle de de vos enfants, ni à celle de votre femme.

Bousculez-nous!

Chers pères, vous n’aurez jamais les quatre semaines de congé paternité que demande l’initiative déposée en votre nom ce mardi auprès de la Chancellerie fédérale. Parce qu’on vous tient par la barbichette. Parce que vous voulez être chef dans votre boîte. Parce que vous êtes en compétition avec votre voisin de bureau. Parce que les patrons sont des hommes et qu’ils ne vont pas dépenser de l’argent pour des histoires de bonnes femmes. Parce que vous passez chaque semaine des heures de plus au travail que votre femme. Parce que vous la laissez, encore et toujours, s’occuper des enfants, des courses, des vaccins, des devoirs. Parce que vous auriez honte d’être un homme au foyer. Parce qu’on vous a dit que les mères étaient plus importantes que les pères et que vous avez cru ce qu’on vous disait.

Faites dès demain matin ce que vous voudriez faire si vous aviez un congé paternité très, très long. Même: le plus long du monde. Mettez le monde devant le fait accompli. Mettez vos femmes devant le fait accompli. Mettez vos patrons devant le fait accompli. Mettez les politiciens devant le fait accompli. Les femmes n’ont pas attendu un article de loi pour porter des jeans ou avorter. Prenez cette place que soit-disant vous voulez prendre mais que vous n’avez toujours pas prise. Bousculez-nous! Les femmes occupent la place? Bien sûr. Jetez-les dehors de la maison, envoyez-les au travail à votre place, arrachez-leur les bébés des bras – n’attendez pas non plus qu’elles vous les donnent et que ce rôle de père dont vous rêvez, elle vous l’offre sur un plateau. Tout comme les patrons, les mères ont des raisons de s’accrocher à leur rôle de mère et à votre non-rôle de père.

Chers pères, croyez en vous.

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