Lu ailleurs / Un amour de souverainiste
Enlacés sur une plage des Cinque Terre, Marion Maréchal (anciennement Le Pen) et Vincenzo Sofo, penseur de la nouvelle extrême droite italienne, font la Une de la presse people. Mais où diable le Calabrais de Milan a-t-il pris le nom du think tank qu’il a fondé: Il Talebano?
«Une Française et un Calabrais, c’est le nouveau couple chic du souverainisme international», résume Vanityfair.it, l’un des nombreux journaux de la Péninsule entré en effervescence suite au scoop photographique du tabloïd Chi: Marion Maréchal et Vincenzo Sofo sur une plage des Cinque Terre. La nièce de Jean-Marie Le Pen, en bikini fleuri, enlace la taille du leghiste et animateur du think tank Il Talebano, en short à carreaux.
Le couple s’est rencontré en 2016, lors d’un congrès de La Lega organisé par le penseur de la droite péninsulaire qui monte. Entre-temps, le parti xénophobe de Matteo Slavini a accédé au pouvoir aux côtés du mouvement Cinque Stelle. A la mi-juillet, avant son escapade balnéaire, la blonde et le brun barbu se sont retrouvés sur la riviera ligure pour un festival qui semble n’avoir de littéraire que l’intitulé: «Liguria d’autore». Thème du premier débat: «Les invasions barbares. Souveraineté et pouvoir.»
Déjà en 2016, Marion Maréchal expliquait le but de ses escapades péninsulaires: «Nous voulons créer une alliance européenne tournée vers la Russie et qui combatte l’Europe des technocrates et de l’immigration en faveur d’une Europe des peuples et des nations.» Des propos en parfaite harmonie avec les aspirations de son compagnon. Vincenzo Sofo, diplômé en économie politique, qui préfère se définir comme un «Milanais de sang calabrais», est en effet un acteur clé du virage accompli par l’ex Lega Nord, née sécessionniste et alliée à la droite berlusconienne. La Lega nouvelle se veut un monolithe national d’extrême droite, détaché de Forza Italia et allié aux mouvements souverainistes européens.
Duo de choc
Chambre d’écho idéologique de cette Lega nouvelle, le think tank Il Talebano, fondé par Vincenzo Sofo et le sociologue créationniste Fabrizio Fratus. Le site se présente comme un «laboratoire culturel» et privilégie les articles historiques – comme celui qui appelle à l’abolition de la fête du 25 avril, anniversaire de la libération de 1946. Ou sociétaux, comme par exemple: «Identité, famille, dialecte: trois piliers pour une culture nouvelle.» Il Talebano déclare «la faillite de la démocratie représentative des partis et des syndicats» et lance «le défi d’une démocratie des élites, fondée sur l’instruction, la sélection et la formation des classes dirigeantes.»
Mais pourquoi, ce nom, Le Taliban? Au quotidien Il Giornale qui lui a posé la question en 2015, Vincenzo Sofo a répondu qu’il s’agit d’«une provocation», inspirée par un de ses penseurs de référence, Massimo Fini: «Au moment de la guerre de l’Occident en Afghanistan, tous les médias utilisaient ce terme pour nommer le mal absolu justificateur de toutes les guerres voulues par les USA dans ces régions et occulteur de leurs véritables visées géopolitiques et économiques. Ces guerres ont déclenché le drame de l’invasion migratoire que l’Italie subit aujourd’hui de plein fouet. Nous avons choisi ce nom pour souligner la nécessité d’être du côté de celui qui défend sa terre et non de celui qui détruit des peuples et des pays au nom de l’argent.»
Sombre panache
Vincenzo Sofo n’est pas un très bon communicateur, du moins par écrit: dans ses textes pour Il Talebano, il semble incapable de faire une phrase de moins de huit lignes et pratique un jargon «old school italienne» assez rédhibitoire. Son inspirateur Massimo Fini, c’est une autre pointure. Ex-journaliste à L’Avanti et à Repubblica, journaux de gauche, actuellement collaborateur à Il Fatto quotidiano, journal de droite, l’éditorialiste et écrivain est passé maître, au fil du temps, dans l’art des prises de positions déroutantes, paradoxales, provocatrices.
Voici ce qu’il écrit dans son livre Senz’anima (2010): «Je voudrais être un taliban, un kamikaze, un Afghan, un boat people, un affamé du Darfur, un juif torturé par ses bourreaux, un bolchévique, un fasciste, un nazi. Parce que, plus que de l’horreur, j’ai horreur du rien.» Ça ne veut pas dire grand chose, au fond. Mais ça a du panache, un sombre panache à ne pas sous-estimer.
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