Lu ailleurs / Cancre autrefois, chancelier allemand demain?
Ce sera une belle revanche pour lui et un bout de l’Allemagne profonde qui arrivera au sommet à Berlin si Friedrich Merz, le candidat de la CDU à la chancellerie, est élu dimanche prochain, explique nos confrères des «Echos». Ce qui risque fort d’arriver.
Le correspondant en Allemagne du journal Les Echos dresse un portrait piquant du candidat de la CDU à la chancellerie, Friedrich Merz. Avec de grandes chances d’être élu le 23 février. Sans savoir quelle coalition il devra composer pour gouverner. Ce dégingandé haut de presque deux mètres, 69 ans, est en pleine forme. Il a le verbe incisif, l’argumentation à la fois déterminée et souple. Un animal politique qui a longtemps attendu son heure, présenté au sein de son parti comme «l’anti-Merkel». Resté dans l’ombre parlementaire jusqu’alors, il n’a jamais été ministre, maire ou président de Land.
Quelle revanche cette quasi victoire! A l’école, il était un «sale gamin» farceur et peu travailleur. «Mme Bouillon, la professeure de français, en avait fait l'amère expérience. Pleine d'énergie, elle avait un jour ouvert la porte de la classe, sans savoir qu'on s'était longuement acharné sur les charnières. Entraînée par le poids de la porte, elle avait fait une entrée magistrale, atterrissant à plat ventre sur la porte comme sur une planche de surf. La classe avait explosé de rire…», racontent les journalistes Jutta Falke-Ischinger et Daniel Goffart qui ont écrit sa biographie. Après que le jeune Merz eut redoublé, son père, Joachim, avait même décidé d'en faire un maçon. L'adolescent n'a continué les études qu'à la demande de sa mère, qui voulait lui donner une dernière chance. Il a su saisir la perche et changer de trajectoire. Il passa son bac et étudia le droit. Entré en politique, il fut député au Parlement européen, puis au Bundestag. Marginalisé par Angela Merkel, il se lassa et se lança dans les affaires. Au point de devenir président du conseil d’administration de la filiale allemande de BlackRock, le plus grand gestionnaire d’actifs au monde, jouant un rôle clé en tant que lobbyiste en chef. Siégeant aussi aux conseils de surveillance de grandes entreprises, dont la filiale allemande de HSBC, de Axa et du fabricant suisse de matériel ferroviaire Stadler. C’est dire sa conviction libérale pour un capitalisme sans trop de freins. «Il n'y a pas de prospérité sans effort. Pas d'avenir pour notre pays avec la préretraite, la semaine de quatre jours…», aime-t-il à répéter.
Une revanche sur ses origines
Merz a passé sa jeunesse dans une petite ville de 26 000 habitants, dans une région peu courue, entre Kassel, Cologne et Dortmund, le Sauerland, où l’on a coutume de dire: «Ici, on naît dans la forêt, on y vit et on y meurt.» Le cancre d’hier, le brillant orateur d’aujourd’hui, s’y rend tous les quinze jours. Pour y retrouver ses vieux parents. Appelé sous les drapeaux à l'âge de 17 ans et aujourd'hui âgé de 101 ans, son père Joachim a fait la guerre puis a passé quatre ans et demi dans un camp soviétique avant de revenir au pays. Sa mère descend d'une famille de huguenots français, les Sauvigny. Longtemps maire de Brilon, Josef Paul Sauvigny était membre du parti catholique avant de rejoindre le parti nazi en 1933.
Récemment, le presque chancelier a reçu là son allié de la CSU bavaroise, dans la grande salle Saint-Hubert de la Société des tireurs, une confrérie fondée en 1417; plus de 1300 personnes sont venues les écouter lors d'un petit-déjeuner dominical et fort austère. «Les clubs de tir, les clubs de musique, les traditions religieuses… C'est ce qui maintient la cohésion de la société dans nos campagnes», explique Niklas Frigger, maire adjoint CDU de Brilon.
C’est donc un bout de l’Allemagne profonde qui arrive au sommet à Berlin portée par l’ambition de Friedrich Merz. Dans un vif affrontement avec l’AfD nationaliste et sa brillante présidente Alice Weidel, 46 ans, mariée à une Suissesse d’origine sri-lankaise, Sarah Bossard, productrice de cinéma. Elles élèvent leurs deux enfants adoptés en Suisse à Einsiedeln et en Allemagne. Pas la même musique.
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