Actuel / Opération Libero: le changement, c’est maintenant
Progressiste et pro-européen. Voilà comment se définit dans les grandes lignes Opération Libero. D’abord think thank à la Foraus, ce mouvement, né en réaction à l’acceptation de l’initiative populaire dite « contre l’immigration de masse » du 9 février 2014, est devenu un véritable acteur politique, appuyant 41 candidats aux fédérales. Au-delà de la manœuvre, il est intéressant de voir se créer un grand front progressiste urbain, qui mise au même titre que l’UDC sur une communication active. Jadis, c’est le PDC qui se voulait porter le bon vieux compromis helvétique ; aujourd’hui, ce sont de jeunes branchés des grandes villes.
Le changement, c’est maintenant. Tel pourrait être le slogan d’Opération Libero, «un mouvement politique engagé en faveur d’une Suisse ouverte et progressiste», comme on peut le lire sur son site. Le groupe de réflexion en faveur d’un pays multiculturel était né suite au oui à l’initiative populaire dite «Contre l’immigration de masse» du 9 février 2014. Cinq ans plus tard, les jeunes intellectuels anti-blochériens qui le composent entendent bien peser dans les élections fédérales. Mais pas en présentant des listes. Opération Libero ne se considère pas comme un parti, mais se veut transpartisan. Ses membres ont choisi une formule qui a le mérite d’être innovante: un soutien à 41 candidats de 11 cantons dont les idées correspondent grosso modo aux sept propositions présentes sur changeons.ch. Il y est question d’une politique européenne assumée avec la signature de l’accord-cadre, de mariage pour tous ou encore de politique «pour le climat».
La volonté d’un front progressiste
Si, au départ, on ne sait pas exactement ce que défend Opération Libero comme politique, on sait avec certitude ce qu’il combat: l’UDC, seul grand parti à ne pas être représenté par les 41 candidats soutenus par Opération Libero. Le groupe de réflexion avait d’ailleurs gagné en visibilité et en crédibilité quant à sa puissance d’action quand il avait réussi son pari de faire rejeter l’initiative dite de «mise en œuvre, pour le renvoi effectif des étrangers criminels» votée en février 2016. Aujourd’hui, Opération Libero en appelle à élire des candidats capables de mener une politique de changement, après une législature jugée perdue et marquée par la majorité de droite PLR-UDC. Or, refuser des propositions, est-ce vraiment ne rien faire? La question mérite d’être posée. Et que veut dire le changement, en substance? Le progressisme de notre époque – qui n’est pas celui des Lumières, même s’il en est l’héritier – a-t-il seulement plus de relief qu’un simple slogan? C’est qu’il y a deux manières de comprendre le mot «progressisme».
Lancement de la campagne actuelle, "Votons le changement", le 28 juin dernier à Berne. © Simon Iannelli / Operation Libero
Dans son premier sens, le progressisme est quasi-descriptif: il s’agit d’affirmer que la société suit une évolution positive et que chacun doit se résoudre aux mouvements du monde, sinon gare à ses fesses. Dans son second sens, le progressisme est une idéologie qui consister à viser le progrès. Intention ô combien louable, et d’ailleurs si louable que c’est en réalité un lieu commun, à partir du moment où viser le progrès revient à vouloir une société meilleure. Ou, plus prosaïquement, à vouloir résoudre des problèmes, ce qui est l’essence même de la politique. Dès lors, qui n’est pas progressiste au deuxième sens du terme ? Qui dirait: «Ce que je souhaite, moi, c’est que l’on régresse»? Foin, donc, de mots creux! Parlons concret.
Quand on passe outre le marketing, en regardant le programme du mouvement, on constate que les thématiques ont été savamment choisies pour ne pas être susceptibles de diviser la gauche et la droite. Il s’agit en majorité de sujets de société. De plus, au-delà de ce parti-pris thématique, ce qui est défendu à l’intérieur de chaque proposition semble être assez général pour être accepté par un large panel de politiciens, allant des Verts au PLR. L’écologiste fribourgeois Gerhard Andrey nous a expliqué comment cela s’est passé: il a été invité par Operation Libero à remplir un questionnaire pour qu’il indique dans quelle mesure il est d’accord avec les visions du think thank.
«Ce qu’il en est ressorti, c’est que je soutiens la plupart de leurs revendications. Ce qui n’empêche pas des nuances par-ci par-là. Par exemple, je dis oui à l’accord-cadre sur le principe, mais la question des salaires est pour moi primordiale.»
Fin de la campagne contre l'initiative "No Billag", 4 mars 2018. © Simon Iannelli / Operation Libero
L’objectif d’Opération Libero est clair: faire basculer la majorité au Conseil national, comme nous le confirme le responsable communication pour la Suisse romande, Stéphane Decrey. «Nous pensons qu’il y a décalage croissant entre la majorité conservatrice au Conseil national et un peuple pas si conservateur qu’on le dit.» Serions-nous en train de vivre un moment de basculement? «Oui, je le crois. On a vu une sorte de réveil de la société civile, avec les marches pour le climat, la grève des femmes ou encore la naissance de plusieurs groupes de réflexion dont Opération Libero.»
Selon Stéphane Decrey, le clivage gauche-droite n’est cependant pas mort, il apporte des différences intéressantes qui viennent s’ajouter à un clivage plus important selon lui, celui entre progressistes et conservateurs. Si ce discours a une chance d’être entendu par les rats des villes de Zurich à Genève, on peut se demander si les rats des champs seront plus que d’habitude à voter pour le «changement». C’en serait un grand, pour le coup.
VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
5 Commentaires
@Eggi 23.09.2019 | 16h23
«Ayant soutenu "Libero" depuis sa création, je me permets d'ajouter un élément positif fondamental: c'est un mouvement politique de jeunes, qui a précédé les engagements auxquels on assiste maintenant, notamment en faveur de la lutte pour la survie de la planète. Ces jeunes prennent leur avenir en main, à côté (ou à la place) des politiciens qui ont souvent deux fois leur âge...»
@Lagom 24.09.2019 | 23h33
«Opération Libero n'a pas réussi à se débarrasser de l'étiquette qui lui colle sur le front, celle d'un organe subordonné à l'une des fondations de George Soros. Personne ne connaît les plans de cette fondation ni son but. Je pense qu'il y aura 2 ou 3 surprises aux élections fédérales, la droite en sortira bien plus forte qu'on ne le prédise. Ne croyez pas que l'électeur suisse manque d'intelligence pour aller mettre l'avenir du pays entre des mains suspectes et très peu sûres.»
@mariec 25.09.2019 | 13h18
«@Reiwa :
Il y a près d’un an, le site proche de l’UDC, « Brennpunkt Schweiz » posait la question: « Flavia Kleiner couche-t-elle avec Soros ? ». Roger Köppel, dans la « Weltwoche » (25 octobre 2018) écrivait que la co-présidente de l’Opération Libero « nage dans le réseau international de l’activiste de gauche George Soros ». Qu’en est-il ? Flavia Kleiner dément tout financement de la Open Foundation Society de Soros. Celle-ci précise qu’elle ne s’implique pas dans la politique politicienne. Il est vrai en revanche que la leader de l’Opération Libero, à titre personnel, est membre du conseil de l’ECRF (European Council on Foreign Relation), groupe de réflexion sur la politique étrangère européenne, qui compte 77 représentants de la société civile, 18 chefs d’Etat, 27 ministres des affaires étrangères 4 membres de la Commission européenne et 29 personnalités universitaires. Flavia Kleiner déclare qu’elle y participe pour s’informer!,
dans ce cercle privilégié, qu’elle ne reçoit aucune rémunération, qu’elle paie ses déplacements de sa poche. Rappelons que George Soros est la bête noire du Hongrois Viktor Orban et des ultra-nationalistes qui voient en lui « le Juif sans patrie » qui souhaiterait le démantèlement des frontières nationales.
»
@Lagom 25.09.2019 | 14h30
«@mariec:
Moi-même je serais devenu mondialiste, il n'y a pas mieux pour défendre notre planète d'une seule voix, si l'Occident n'avait pas autant d'ennemis et de détracteurs. Des forces connues & inconnues veulent juste mettre la main sur nos démocraties et par conséquent sur nos richesses, par tous les moyens, y compris en faisant danser les jeunes dans les meetings dits "non-politiques" pour les abrutir, comme opération Libero sait très bien le faire. Il sert à quoi de soutenir des personnalités politiques de tout bord sauf de l'UDC? et de prétendre ne pas être politique! J'aimerais au passage féliciter Mme Flavia K. pour son charisme et pour avoir pris autant de place dans la vie politique suisse aussi rapidement. J'espère qu'elle soit lucide de la dangerosité de son action et qu'elle ne soit pas sous influence étrangère.
Quand on apprend que les occidentaux laissent à la Chine le privilège d'être considérer par l'OMC comme un pays en voie de développement, avec tous les avantages au niveau de l'exportation, des droits de douanes et de la fermeture partielle de son marché aux produits étrangers, nous devrions être inquiets, car ceux qui nous gouvernent sur notre continent ont atteint un niveau de stupidité inégalé dans l'histoire de l'humanité. J'espère que le Président Trump (que je n'aime pas trop) réussira à mettre de l'ordre dans le commerce international pour nous donner quelques chances de survie à moyen terme face au dragon asiatique.»
@marenostrum 11.05.2020 | 12h52
«? n'est-ce pas, comme les verts-libéraux, une stratégie des partis de droite en place pour récupérer des voix qui pourrait opter pour les écolos ou la gauche ? ... La politique, principale source de notre immobilisme et de notre déni dans les débats essentiels que nous devrions avoir. »