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Actuel / «Migros Magazine», acteur du débat politique «malgré lui»

Diana-Alice Ramsauer

15 novembre 2018

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La première semaine de novembre, «Migros Magazine» publiait une longue interview sur quatre pages de la conseillère nationale UDC Magdalena Martullo-Blocher, dont les neufs premières questions concernaient l’initiative contre les juges étrangers. A quelques jours de cette votation cruciale et au vu de cette publication, nous avons voulu savoir quel était l’engagement de la Migros dans ce débat politique.



«Il y a sporadiquement des thèmes sur lesquels la Migros s’engage (comme par exemple récemment celui du “Fair Food”), dans ce cas, uniquement dans un cadre clairement séparé du rédactionnel. Mais sur tous les autres thèmes, toutes les opinions sont présentées de manière équilibrée.» Voici la réponse donnée par mail par le porte-parole de la Migros, Tristan Cerf. Plus loin, il ajoute: «La rédaction du Magazine Migros (représentée dans les trois langues officielles) est composée de journalistes qui travaillent en toute indépendance et respectent les règles de déontologie du métier. (…) Migros Magazine est un média pluraliste qui n’a pas pour mission de défendre une ligne politique.»

Résumons donc, la Migros n’est officiellement ni pour ni contre l’initiative de l’UDC et elle n’influence pas la rédaction du magazine, ni dans un sens ni dans l’autre. Alors pourquoi, à la veille d’une votation, la rédaction d’un journal qui n’est «pas politique» a-t-elle jugé équilibré de donner une telle «tribune» à cette initiative en publiant une interview de quatre pages complètes de la conseillère nationale grisonne? Sachant que:

1) les réponses de la vice-présidente de l’UDC donnent une voix de plus à l’argumentation de l’UDC, même si les questions sont relativement piquantes,

2) que l’article (dans son ensemble) donne une image plutôt sympathique de Magdalena Martullo-Blocher, favorisant donc son discours politique

3) que – contrairement à la version francophone – le magazine en allemand intégrait l’interview dans un dossier complet de huit pages, permettant une pluralité des opinions?

Pas d’impact politique?

Selon le porte-parole de Migros, l’interview de Mme Martullo-Blocher «traite de la question de l’autodétermination entre autres sujets – en revanche, le 18 octobre, une interview croisée entre Benoît Genecand et Céline Amaudruz était consacrée plus exclusivement à la votation sur l’autodétermination.» L’équité semblerait donc sauve.

Pour Steve Gaspoz, directeur de la rédaction de Migros Magazine, l’idée de cet article n’était pas de revenir sur l’initiative. «Lorsque l’une ou l’autre version du magazine réalise une interview d’une personnalité en vue, alors l’autre la reprend généralement.»

Alors, est-ce si simple et peut-on imaginer qu’une telle publication n’aurait aucun impact politique? «Le rôle de notre magazine n’est pas de forger des idées, et je ne pense pas que notre média ait une véritable influence à ce niveau. Nous nous astreignons à une information la plus neutre possible», argumente Steve Gaspoz.

Alors que les résultats de votation s’annoncent serrés, chaque publication a pourtant un poids. Surtout lorsque l’on touche un lectorat de plus de 600'000 personnes en Suisse romande (et environ 3 millions dans toute la Suisse) comme le fait Migros Magazine. Espérons que, le 25 novembre, personne n’aura à se mordre les doigts en apprenant le verdict populaire.

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

8 Commentaires

@rolandoweibel 16.11.2018 | 21h53

«Bien dit. C'est à proprement dire scandaleux de la part de ce magazine d'afficher une telle propagande. Et la réponse du porte-parole de la Migros est bien faible et manque de justifications.
RW»


@Ninotchka 17.11.2018 | 11h18

«Bravo pour cette réaction, j'ai été moi-même choquée devant cet article que j'ai refusé de lire. Il y a si peu de contenu dans ce journal que ce type de contenu pourrait avoir beaucoup d'impact. Je vais faire la grève de Migros Magazine.»


@Danielle 17.11.2018 | 11h18

«Curieux ce comportement! Avant la votation concernant l'adhésion de la Suisse à l'ONU, MMagazine avait refusé toutes publications sur le sujet afin de ne pas "influencer" ses lecteurs/membres.
Alors que le magazine de COOP n'a pas eu peur d'ouvrir le débat avec même même un certain engagement en faveur du oui. Evidemment il y a bien longtemps. J'étais alors la suissesse du service de presse de l'ONU, responsable presse suisse. Danielle Maillefer, Genève»


@Crispy 17.11.2018 | 11h35

«Je m'étais fait le même genre de réflexions à la lecture de cet article...
merci de relever ce fait!»


@dmdutoit 17.11.2018 | 12h38

«Déjà que leur publicité demago "...parce que la Migros m'appartient!..."(ils nous prennent vraiment pour des idiots ?) me fait chaque fois grincer des dents, cette fois, cet interview est la goutte qui fait déborder le vase: je vais annuler mon abonnement à cette revue. Qu'on ne vienne pas me raconter que le journaliste est tombé dans un piège, je ne le croirai pas. Qui pose les questions ?
D. Dutoit»


@Marianne W. 18.11.2018 | 03h03

«Très contente que vous ayez réagi de belle façon à cet article pour le moins malvenu. Scandaleux même. Et la réaction de Cerf l'est tout autant. »


@pinodo 18.11.2018 | 15h53

«Analyse et commentaires parfaitement pertinents. Bravo! Migros ferait mieux de se centrer sur la vente de ses salades, si elle ne veut pas perdre ses clients. Pinodo»


@stef 22.12.2018 | 22h56

«Heureux de constater que le comportement honteux de "Migros Magazine" ne s’est pas reflété dans les urnes »