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Actuel / La jouissance des justes

Jacques Pilet

18 septembre 2018

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A quel défilé pathétique avons-nous eu droit ! C’était à qui aurait la mine la plus grave devant les caméras. Les justes, les purs veulent tous dire combien le scandale les meurtrit. La catastrophe dans la République. Genève outragée! On est tenté de paraphraser de Gaulle à la libération. Bob Woodward a flingué Nixon en 1974 avec le Watergate, il vient de publier un livre accablant sur Trump. Son arrivée au bout du lac pour enquêter sur l’affaire Maudet ne saurait tarder.



Et si l’on cherchait un peu ce qui se cache derrière tous ces visages indignés? Tout le monde est d’accord, le conseiller d’Etat a fait une «connerie», comme dit Charles Poncet, en acceptant de se faire inviter avec toute une smala sans se poser de questions. Et pire encore, en se prenant les pieds dans le tapis de ses explications mensongères. De là à le démolir… il y a un pas qui devait aussi faire réfléchir ses accusateurs impitoyables.

Tous les pays soignent leurs relations publiques. Ils sont ravis de recevoir des hôtes étrangers influents. La Suisse fait de même. Elle invite, par exemple, des cadres du parti communiste chinois à des séminaires sur le développement durable. La Russie bien sûr. Elle «facilite» les voyages d’élus romands. Et pourquoi pas? Faut-il vraiment que nos politiciens passent toutes leurs vacances au chalet? Ils seraient certes avisés de payer leur billet d’avion. Mais sur le principe, il n’y pas de quoi fouetter un chat. Peut-être même une raison de se réjouir: des dirigeants locaux à la curiosité voyageuse ont sûrement un meilleur contact avec les réalités d’aujourd’hui.

Revenons aux indignés. Il y en a qui se frotte les mains. Le procureur Olivier Jornod a pris soin, ce qu’il ne fait pas d’habitude, de détailler ses accusations dans le communiqué qui a mis le feu aux poudres, prenant les devants sur l’enquête. Si le tumulte ainsi provoqué aboutit à la démission de son affreux supérieur hiérarchique, il pourra se présenter à sa succession, ou plus tard avec une aura de grand justicier, son rêve gouvernemental n’étant pas un secret. D’autres personnages influents ont aussi des amis qui les invitent à de joyeuses agapes et leur donnent à l’occasion un petit coup de main dans les méandres de l’administration. Dans tous les camps. Afficher solennellement sa probité en telles circonstances, c’est bon pour l’image politique.

Une dame se réjouit aussi. La présidente du parti de Maudet, Madame Petra Gössi. Elle est montée sur ses grands chevaux. Et pour cause. Plus de risques de voir le Genevois prétendre au Conseil fédéral alors qu’elle y pense sérieusement. Et une bonne occasion de se poser en garante de la moralité publique. Elle aurait pu le faire en appuyant ceux qui réclament une législation sur la transparence du financement des partis. Ou en s’interrogeant sur les cadeaux que reçoivent les membres du lobby des assurances maladie au Parlement, sur ces petites enveloppes à quelques milliers de francs accordées en «défraiement» aux gentils députés qui assistent aux séances «d’information» des dites entreprises. Mais non, là, pas question!

En démocratie, l’éthique est indispensable à la politique. Mais le regard un brin critique sur les moralistes tonitruants s’impose aussi. 





VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

8 Commentaires

@Lagom 18.09.2018 | 08h49

«Le procureur est presque obligé d'en faire trop pour masquer sa procrastination d'ouvrir l'enquête avant que M. Maudet ne parte pour Berne à l’assaut du siège à la magistrature suprême. Si à la dernière minute M. Cassis avait renoncé au siège, tant convoité, la situation aurait pu être bien plus cocasse. »


@tillja 18.09.2018 | 18h13

«Cher Jacques Pilet,

Nul ne remet en question la nécessité d'entretenir de bonnes relations avec tous les pays. Or, pour cela il y a des procédures protocolaires à suivre que Pierre Maudet et son entourage ont manifestement piétinées. Pis il a commis des infractions majeures avérées au code de conduite du Conseil d'État et, ce qui reste à vérifier, au Code pénal.

Dans une période ou, à l'étranger comme ne Suisse, l'État de droit fait l'objet d'attaques frontales de la part d'autocrates en herbe et de mouvements populistes, vos déclarations me paraissent particulièrement malvenues.

Il n'y a rien de critiquable par rapport au fait que le Procureur général de Genève informe le public par rapport à l'avancement d'une instruction politiquement sensible, et que la présidente du PLR rappelle l'attachement de son parti à l'État de droit et à la collégialité. Ils ont certes leurs propres projets de carrière, mais c'est tout à leur honneur d'exercer leurs fonctions actuelle de manière transparente.

Le fait d'admirer Pierre Maudet pour son courage politique à défendre certaines positions et pour son bon bilan ne devrait pas empêcher de le condamner pour des actes qui sont très difficilement justifiables.»


@Ancetre 19.09.2018 | 08h31

«Merci Mr. Pilet d'avoir si bien décrit les vraies motivations des accusateurs de Mr. Maudet. Curieusement la Suisse fonctionne bien malgré ou parce qu' elle soit une vraie " mediocratie". Et chaque fois qu'une tête dépasse on n'a de cesse de tenter de l'éliminer. Je partage entièrement votre vision de l'affaire Maudet et me demande si il n'est pas plus grave d'avoir un Conseiller fédéral au bord du burn out ( ou pire) que l'on ne remplace pas plutôt qu'un Conseiller d' État qui a fait une vraie connerie, mais rien de plus. »


@markefrem 22.09.2018 | 17h53

«En politique, encore bien davantage qu'en d'autres domaines, l’hypocrisie règne en maîtresse.
Merci à Monsieur Pilet de nous le rappeler.
Souvenez-vous, il n'y a pas bien longtemps un autre politicien brillant qui avait pour défaut une libido excessive. Là également, les chers collègues se sont fait un plaisir de lui tomber dessus à bras raccourcis en jouant les vierges effarouchées… haro sur le baudet !
Mais le pompon de l'acharnement revient incontestablement aux médias, trop heureux de s’ériger en juges suprêmes, infaillibles et intègres (la palme à la 1ère, tendance « Ensemble à gauche »). Pendant des jours et des jours on répète inlassablement le sujet en boucle, dans l'attente anxieuse du prochain scoop susceptible de maintenir l'audience… ad nauseam !
»


@jcrielle 23.09.2018 | 14h44

«Cf. Mon blog de ce jour dans la tdg!
http://jcrielle.blog.tdg.ch/archive/2018/09/23/emir-el-sana-et-cheikh-mutuel-quand%C2%A0-le-mensonge-avere-et-re-294489.html»


@Bournoud 23.09.2018 | 17h41

«On cherche noise à Maudet, Broulis, Ruiz, Savari, et … C'est assez minable et un peu bas de plafond! j'ai envie de dire que c'est une tempête dans un verre d'eau!...
Mais j'ai lu l'autre jour dans 24 heure que les vaudois avaient payé 150 millions de trop pour les assurances maladie… Et ce après les 800 millions que nous avions payés en trop et pour lesquels nous n'avons été (très) tardivement, que partiellement remboursés! Les petits arrangements entre politiciens vis-à-vis des caisses maladie sont bien plus rentables que les quelques milliers de francs payés à des élus qui certes devraient s'en abstenir, pour des voyages durant lesquels ils sont sensés représenter nos intérêts...»


@Michel Finsterwald 24.09.2018 | 09h17

«Il y a 2000 ans déjà... "Que celui qui n'a jamais pêché lui jette la première pierre..."»


@marenostrum 30.09.2018 | 17h11

«Je vous trouve bien tolérant M. Pilet. Cette affaire nous donne à voir que certains politiques aujourd'hui n'ont pas de définition de leur statut ! une conscience qui d'ailleurs devrait être formée bien avant d'arriver à certains sommet du pouvoir. Il semblerait que nos politiciens s'identifient aux habitudes et train de vie de leurs "collègue" issus de l'économie ou de la finance, sans avoir développé une intelligence particulière envers les populations ! il y a de quoi douter d'eux ! ... mais si je comprends votre article, vous considérez que cela est bénin sous prétexte que d'une part, il s'agit de pratiques diffuses et donc à admettre tacitement et d'autre part que les collusion sont bien plus grave au parlement (ce qui est vrai) ... mais tout ceci relève du même registre, une logique autorisant la suivante ... pour arriver à une collusion (le mot corruption n'existant pas dans le langage public suisse) qui exclus les populations du débat et des enjeux politiques ! de même, dans l'émission infrarouge (fini les cachoteries), j'ai trouvé vos propos bien arrangeant, d'une tolérance inexpliquée.»


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