Média indocile – nouvelle formule

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Actuel / L’Etat veut nous aider? Ne chipotons pas!


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On peut adresser toutes sortes de critiques au Conseil fédéral. Mais aussi lui savoir gré de voir le déclin du journalisme et de tenter d’y remédier. La loi sur le soutien aux médias soumise au vote le 13 février a des défauts, mais sur le fond, elle tombe à point nommé. Les journaux sont toujours moins nombreux, leur pagination diminue. Franchement, quels que soient les reproches qu’on peut leur faire, n’est-ce pas inquiétant? De nouvelles plateformes, comme celle-ci, émergent. Mais elles ont besoin de soutiens. Or il est prévu de leur venir en aide.



Nous n’avons pas l’habitude, à BPLT, de prendre position avant une votation. Notamment, et c’est tant mieux, parce que nous sommes de diverses opinions. Mais là, nous n’allons pas cracher dans la soupe. Un oui à la loi nous permettrait un plus grand professionnalisme, des approfondissements plus ambitieux. Or nous tombons pile-poil dans les critères prévus pour le renouveau des médias à caractère informatif.

L’audiovisuel est massivement soutenu. La redevance va à la SSR et aussi aux télévisions et radios locales. Pourquoi n’y aurait-il rien pour l’écrit? Qu’il apparaisse sur papier ou sur écran, il est indispensable à l’information et au débat. Or il est aujourd’hui, comme la lecture, en recul. Certes le livre, bonne nouvelle, se porte bien. Mais raconter le quotidien, réfléchir un peu à ce qui nous arrive, cela exige la maîtrise des mots. Si possible bien articulés entre eux. Renoncer peu à peu à écrire et à lire, se contenter d’un déferlement d’images et de sons, c’est accepter un déclin culturel.

«Quand j’entends le mot culture, je sors mon revolver», aurait dit Goebbels. En Suisse, alléluia, l’Etat, les cantons, les communes sortent des millions. Par centaines. Et les fondations privées aussi. Nous sommes sauvés, nous ne sombrerons pas dans le crétinisme. Mais le journalisme ne nourrit-il pas aussi la culture au sens large? Pourquoi ne pas le soutenir aussi?

 Les journaux, entend-on beaucoup et surtout ces temps, sont conformistes et dociles. Pas faux. Mais si l’on exige leurs sursauts, il faut leur en donner les moyens. Or les rédactions se ratatinent. La faute aux éditeurs qui préfèrent s’enrichir avec des plateformes commerciales. La loi serait un rappel à leurs responsabilités. Et ce signal secouerait aussi la morosité des journalistes qu’inquiète l’évolution de leur métier, pourrait leur donner un peu de courage et de mordant. Quant aux titres indépendants et régionaux qui luttent pour leur survie, ils trouveraient là une bouffée d’air plus que bienvenue.

Le déclin de la presse s’accompagne, ces dernières décennies, d’un élargissement spectaculaire de l’espace digital. Une fois maîtrisés par leurs usagers, les réseaux sociaux sont utiles, nous l’avons dit. Mais ils ne suffisent pas. Le travail journalistique reste indispensable… et apprécié. A preuve, le succès des plateformes de qualité, comme Infosperber, Republik, Heidi.news… et la nôtre, si vous permettez cette immodestie. Avec leurs défauts et leurs atouts, mais elles sont bien là, et un coup de pouce fédéral pourrait permettre de faire mieux encore. En toute indépendance des éditeurs zurichois.

Et indépendance face à l’Etat? Bien sûr! Imaginer que des sbires fédéraux vont manipuler ces rédactions farouches est absurde. La liberté d’esprit, quand on l’a bien chevillée, ne se laisse pas bousculer. A preuve, la scène culturelle, massivement subventionnée, ne peut être accusée de se mettre aux ordres «d’en haut». 

Autre objection, cette aide irait surtout aux groupes de presse. Pour une part importante, en effet, surtout à travers le cofinancement de la distribution matinale des journaux. Mais au rythme où diminue le nombre des abonnés au papier, cette somme se réduira sans doute. Et puis même si cet aspect peut irriter, ce n’est pas une raison de balayer un projet qui donne par ailleurs des chances au nouveau journalisme.

Essayons au moins. L’aide est prévue pour une durée de sept ans. Après quoi, nos jeunes boutiques à mots seront, espérons, assez fortes pour s’en passer.

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

18 Commentaires

@Richard Golay 14.01.2022 | 12h00

«La censure exercée par CERTAINS médias (mais malheureusement la plupart en Suisse) concernant la gestion de la crise Covid n'est pas acceptable. Le fait de refuser la parole à des personnes qui peuvent justifier de leurs compétences sur le sujet traité - je pense p.ex. au Prof. Michael Esfeld auquel BPLT a donné la parole - est une honte. La profession gagnerait à expliquer les raisons qui l'a poussé à soutenir très largement cette censure. Je suis prêt à réviser ma décision sur cette votation si p.ex. BPLT aborde cette question essentielle pour notre démocratie. J'encourage en tout cas à soutenir individuellement des médias comme BPLT.»


@Maryvon 14.01.2022 | 14h32

«Tout à fait d'accord avec le commentaire de M. Richard Golay. Je ne pense pas que la gestion de la crise Covid aurait été mieux gérée par les médias traditionnels si ces derniers avaient disposé de plus de moyens financiers. Pour l'instant je suis très sceptique quant à mon vote.»


@Delphus 14.01.2022 | 15h06

«7 années probatoires, c’est bien long, pour revoir notre appréciation de l’enjeu. Comment être sûr que cette manne publique ne va pas nourrir de façon abusive des éditeurs qui sont loin d’être dans le besoin ? Soutenir ceux qui en ont besoin devrait être prioritaire.»


@Pipo 14.01.2022 | 17h55

«Parfaitement d’accord avec M.Golay.
Avant la crise que nous connaissons depuis bientôt deux ans j’aurais sans hésitation été favorable à cette aide etatique aux médias écrits, mais je dois avouer que je suis maintenant perplexe en raison de la censure des avis dissidents et de la partialité dont ont fait preuve les grands médias.
Pierre Flouck
»


@Gamuret 14.01.2022 | 22h43

«Bonjour !
Pour une 2ème fois j'ai un peu de peine à vous suivre M. Pilet ; en effet, le virus a été le révélateur de beaucoup dysfonctionnements dans la société, notamment au niveau de la presse. Qui aurait pensé un tel "suivisme", un tel alignement en Suisse, le pays de la diversité des langues, des cultures ? Franchement, sans les médias alternatifs, les seuls à sortir de la "pensée unique", impossible d'accéder à une médiatisation basée sur la réalité des faits. Alors, dire oui à des médias alignés sur "recommandations" du Conseil Fédéral sans aucune distance critique ? J'avoue, cette "manne" me fait peur.
Dites-nous en plus M. Pilet.
Mes bonnes salutations !
Philippe Henry »


@Dr. Jus 15.01.2022 | 07h51

«Comme les commentaires précédents, la crise du Covid ne fait de la pub au journalisme ! Mais un autre sujet d'actualité serait également à approfondir :
- l'acharnement australien contre Djokovic. Il semblerait que son côté non-vacciné n'est qu'une façade, Djokovic s'est publiquement exprimé contre une mine de Lithium en Serbie appartenant au groupe Rio Tinto. Or il se trouve que le fameux ministre australien est l'ancien directeur de Rio Tinto en Australie ! Curieux, non ? Ce serait intéressant que vous approfondissiez (ou démentez, je ne suis ni journaliste, ni policier !) ce sujet. Je n'ai jamais trouvé aucun mot là-dessus en Suisse jusqu'à aujourd'hui.
Merci et bonne continuation à BPLT. »


@Gio 15.01.2022 | 13h41

«Toujours un plaisir de vous lire, mais je suis d’accord avec M. Golay et la partialité des médias n’est pas rassurante. Je continue de lire et de soutenir BPLT qui correspond à l’idée que je me fais de la liberté d’expression. La citation de Goebbels m’a fait tiquer, parce que cet horrible personnage ne me semble pas un exemple à citer, mais là encore, la liberté d’expression déclenche de véritables réactions.»


@camomille 15.01.2022 | 19h12

«Comme beaucoup d’autres personnes apparemment, je rejoints les propos de M Golay.
Et donc, oui M Pilet, justement , chipotons et n’acceptons pas sans broncher cette aide à des médias qui se sont montrées pour l’essentiel infeodes à la voix dominante de l’exécutif fédéral, qui depuis deux ans ne font quasiment plus d’investigations, ne relaient plus d’avis critiques (ou alors en parlent, mais avec ironie et une pointe de mépris…)
Alors je mettrai peut-être un oui dans les urnes, mais j’aimerais bien trouver au préalable des preuves et des garanties justificatrices…
Camomille»


@Nataly 15.01.2022 | 23h20

«Je ne me vois pas soutenir ce projet de lois pour les raisons évoquées dans les commentaires précédents…»


@Franz 16.01.2022 | 01h55

«Je suis surpris et déçu par vos arguments qui tiennent de la méthode Coué et n'offrent pas le commencement du début d'une analyse sur le malaise que beaucoup éprouvent à l'égard des médias actuellement. Pour ma part, je vais glisser un grand NON dans les urnes. Deux ans d'information unilatérale sur la pandémie auront eu raison de mon empathie à l'égard d'un secteur fortement touché par la transformation digitale, mais qui n'a strictement rien fait pour affirmer son indépendance d'esprit. L'acteur majoritaire du système, Tamedia, n'a certainement pas de problème de trésorerie, puisqu'il se permet de distribuer des dividendes à ses actionnaires. L'autre géant Ringier ne fait guère mieux, et d'ailleurs l'un de ses patrons s'est récemment fait prendre les doigts dans le pot de confiture dans une séquence édifiante où il appelait à faire front commun avec nos autorités. Quant à la RTS, son traitement de l'information relève de l'insulte à l'égard des cochons de payants que nous sommes tous au travers de la redevance. Et il faudrait encore les arroser de subventions ? Le jour où les journalistes feront leur métier avec esprit critique, approfondiront leurs sujets et ne relaieront plus docilement la propagande des autorités, ils pourront repasser la sébile. »


@jacques 16.01.2022 | 09h15

«

Je comprends fort bien les hésitations à accepter cette aide à la presse. Ces commentaires en disent les raisons avec pertinence. Les "médias de grand chemin", comme dit Slobodan Despot, ont failli tout au long de la crise sanitaire. Alignés sur la parole officielle. Sans interrogations troublantes ? Sans réels débats. Doivent-ils être "punis" pour cela ? Ce serait une réaction à courte vue. Il faut d'abord que ces titres survivent. Beaucoup, les plus faibles, les plus indépendants, les plus proches de la réalité locale, sont sérieusement menacés. Personne ne pourrait se féliciter de leur disparition. Qu'une part de l'aide aille aux grands éditeurs peut apparaître choquant, mais si leurs journaux, sous la pression des lecteurs, sortent de leur torpeur, leurs rédactions auront enfin les moyens de faire mieux leur travail, d'enquêter, de prendre le temps de réfléchir... hors des antiennes habituelles. Vous appréciez et soutenez BPLT. Nous vous en sommes reconnaissants. Mais nos moyens très limités nous empêchent de faire les enquêtes nécessaires sur tous les sujets délicats et compliqués. Or la loi proposée prévoit une aide substantielle aux plateformes journalistiques comme la nôtre. Si elle passe, cette tribune sera plus riche, plus forte dans le paysage médiatique. Grâce à votre vigilance critique !

»


@GFTH68 16.01.2022 | 10h27

«A priori, il me semble que cet argent est bienvenu. Comme pour le monde culturel, effectivement.»


@Dalton 16.01.2022 | 16h16

«Une fois de plus, il semble difficile pour la majorité des gens de prendre un peu de distance avec l'actualité....
Ne pas soutenir nos médias et leur indépendance (oui, oui !!) c'est laisser encore plus le champs libres aux extrémistes et biens pensants de tous bords pour s'exprimer, sans contre poids, via des plates-formes et/ou journaux qu'ils subventionneront avec leurs propres deniers. Auto-censure ou propagande... ?!
Je voterai OUI, sans hésitez ! »


@GeorgesJ 17.01.2022 | 07h21

«Continuer de payer les outils de propagandes des zélites politiques et autres lobbys…? Le citoyen est en droit de se poser la question. Payer, par l’intermédiaire de mes impôts, le poison de la propagande répandu par une majorité de la presse de masse…? Et si je donnais tout cet argent aux « médias d’investigation indépendants…? Permettez-nous d’y réfléchir sans être traité d’extrémiste de droite dangereux, de terroriste…»


@PAC 17.01.2022 | 20h44

«Tout à fait d’accord avec cette argumentation!
Merci!»


@willoft 18.01.2022 | 21h40

«Tout ça est bien bel et beau.
Mais à quand un article de BPLT sur la finance?

En 2022, et à l'heure de l'inteĺligence artificielle, un versement entre suisses nécessite, au mieux, 24 heures, au pire, 3 jours.
Alors le covid a bon dos, tout comme le subventionnement de nzzzzzz et autres tempszzzzzz»


@Miksu 19.01.2022 | 03h41

«Merci, tout autant pour l'argumentation dans l'article, que pour les commentaires tout à fait lucides!
Etant en parfait accord avec les autres commentateurs sur le rôle des grands medias quand au sujet de pseudo-actualité qui bloque une quantité d'autres discussions nécessaires sans d'ailleurs ne livrer d'arguments valables dans le débat du sujet même, j'avais également tendance à ne pas vouloir soutenir ce projet de loi.
Toutefois, l'argumentation de l'aide à la culture me semble valable, bien que les propos publiés la semaine passée quand à l'éthique de la maison Ringier mettent même en doute cette logique.
Toutefois, et cela sera peut-être la plume qui fera pencher la balance, je me pose la question suivante: en comparant la misère actuelle, est-ce que cette loi va en moyenne accentuer la situation inacceptable ou plutôt renforcer la diversité? Vu le manque de qualité aujourd'hui (d'ailleurs aussi dans quelques medias indépendants, dont BPLT ne fait -dieu merci- pas parti), j'estime qu'en moyenne, la loi devrait avoir un impact légèrement positif. Donc plutôt un oui. Mais je serai également près à augmenter ma cotisation pour BPLT en réaction à un résultat de vote négatif.
Je me réjouirais d'entendre d'autres voix à ce sujet.»


@hermes 20.01.2022 | 18h31

«Je comprends la méfiance envers l'état exprimée par la plupart des commentateurs de votre article. Cependant, en refusant le train de mesures en faveur des médias, on accepte de les laisser dans la jungle actuelle du marché avec un risque encore bien plus grand que celui de la dépendance envers l'état: je veux parler de la main mise de la droite dure milliardaire sur les médias comme c'est le cas au Royaume-Uni avec Murdoch ou en France avec Bolloré. La combinaison malsaine de cette main mise avec celle sur les réseaux sociaux des GAFAM est un danger majeur de désinformation du public. Ceci se vérifie chaque jour actuellement au Royaume-Uni et en France où ces médias en mains privées tordent l'information à leur convenance et sans aucune retenue! Donc oui, je voterai ce train de mesures comme un moindre mal!»


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