Actuel / Place Tian'anmen, Beijing, 30 juin 1997
Il y a vingt ans aujourd'hui, Hong Kong retournait à la Chine. Ce fut une immense émotion à Pékin. Michael Wyler se souvient. Il était sur la place Tian'anmen à l'heure H.
Il est 23h50. Dans 10 minutes, la gigantesque horloge dite du «compte à rebours» sera à zéro, Hong Kong retournera à la Mère Patrie et l'humiliation du peuple chinois prendra fin. Dans quelques minutes le bail de 99 ans sur Hong Kong, concédé de force par la Dynastie Qing à l'Empire Britannique prendra fin.
Depuis le début de l'après-midi, la très large avenue Chang'an, qui sépare la Cité Interdite de la place Tian' anmen est fermée à la circulation. Il n'y a pas encore grand monde, mais petit à petit, la foule grandit et vers 18 heures, nous devons déjà être près d'un million de personnes le long de Chang'an et sur la place.
Installée le 19 décembre 1994 devant le Musée de la Révolution du Peuple Chinois, l'Horloge du Compte à Rebours – 16 mètres de haut et 10 mètres de large – marque le nombre de jours, d'heures, de minutes et de secondes qui restant avant LE grand moment Au-dessus des chiffres, on pouvait lire: «Le gouvernement chinois récupère la souveraineté sur Hong Kong dans...»
L'Horloge du Compte à Rebours. © Michael Wyler
Cela fait quelques heures que je me balade en compagnie de Monsieur Yu. Agé de près de 80 ans, il a été éduqué par les Jésuites à Shanghai, bien avant que Mao ne les chasse et son français est parfait, quoiqu'un peu désuet. Il m'explique les trois traités inégaux, à l'origine de la perte de souveraineté de la Chine sur Hong Kong. Le premier date de la fin de la guerre de l'opium, en 1842. C'est le traité de Nankin, limité toutefois à l'île de Hong Kong. Le second est la Convention de Pékin (1860) qui a fait suite à la seconde guerre de l'opium et enfin, la Convention pour l'extension du territoire de Hong Kong (1898), qui marque la défaite des Qing dans sa guerre avec le Japon.
L'opium, encore lui
Pour la petite histoire: les empereurs de la dynastie Qing voulaient interdire le commerce de l'opium sur leur territoire, alors que la Grande-Bretagne y tenait beaucoup, en produisant de grosses quantités en Inde. Au cours de la seconde guerre de l'opium (prolongation de la première), la France, la Russie et les Etats-Unis sont venus prêter main forte aux Britanniques. Vaincue, la Chine dut alors céder Hong Kong et autoriser le commerce de l'opium sur son territoire, principalement financé par la Hong Kong and Shanghai Banking Corporation, autrement dit, la HSBC.
Il reste 10 secondes. Nous sommes plus de deux millions dans la rue. Une foule qui compte: 9,8,7... et à zéro, ce sont les cris joie et les feux d'artifices. Mais aussi les larmes, notamment dans les yeux de Monsieur Yu, qui m'explique: «Nous avons 5000 ans d'histoire et donc pour nous autres Chinois, 150 ans, ce n'est pas beaucoup. Nombre d'entre nous ont ressenti cette humiliation comme étant très personnelle. Je suis heureux d'avoir vécu assez longtemps pour effacer cette tache».
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