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Les licenciements et les restructurations chaotiques pèsent sur l'ambiance au sein du géant du numérique, même dans les bureaux installés en Suisse. L'image de Google comme une «bande de créatifs indépendants», et la passion qui pouvait animer ses employés a fait long feu, remplacées par une ambiance délétère au travail. De l'intérieur aussi, Google devient une multinationale comme les autres.



Christof Leisinger, article publié sur Infosperber le 8 février 2024, traduit par Bon Pour La Tête


«Bonjour à tous, je suis à la recherche d'un nouveau poste de direction dans le domaine technique et j'apprécierais votre soutien. Je vous remercie d'avance pour tous les liens, conseils ou opportunités que vous pourriez offrir». C'est ainsi ou presque que se font remarquer ces jours-ci des personnes qui pensaient encore récemment pouvoir profiter de la vie, en exerçant chez Google un métier intéressant et bien payé.

Elles sont sans doute tombées des nues, même si le patron de Google, Sundar Pichai, avait annoncé il y a un an déjà vouloir rendre le géant de la recherche plus efficace et supprimer des postes de manière ciblée. Non seulement cette annonce a été suivie d’actes, mais en janvier de cette année, malgré l'explosion du cours de l'action de la société mère Alphabet, le patron en a remis une couche en prenant d'autres mesures de même nature.

Une nouvelle expérience difficile pour les «Googlers» suisses

«Nous avons des objectifs ambitieux et nous allons investir cette année dans nos vraies priorités», avait fait savoir Sundar Pichai dans un mémo interne. «La réalité est que nous devons prendre des décisions difficiles pour créer les capacités nécessaires à ces investissements», y était-il encore écrit, avec cet ajout apparemment rassurant: «Ces suppressions de postes n'ont pas l'ampleur de celles de l'année dernière et elles n'affecteront pas chaque équipe». En effet, en 2023, Google avait supprimé environ 12’000 postes dans le monde entier au sein des équipes chargées du matériel, de la vente d’annonces publicitaires, du moteur de recherche, des applications Shopping, Google Maps, Policy, de Core Engineering et de YouTube – dont quelques centaines également à Zurich.

Pour les «Googlers» suisses, c'était et c'est toujours une expérience nouvelle et difficile, après que le site de Zurich a connu une croissance irrésistible pendant des années. Peut-être trop rapide: «Google a tout simplement embauché beaucoup trop de monde ces dernières années dans l'espoir d'un grand boom. Il faut maintenant procéder à des licenciements, car ce boom n'a pas eu lieu et de plus en plus de postes sont réduits», assure-t-on chez Google, avec la bonne foi de l’autocritique.

Ce qui est certain, c'est que les employés de Google sont désormais très inquiets. Les licenciements ont ralenti les projets, car de nombreux employés ont plutôt passé leur temps ces jours-ci à essayer de savoir quels groupes de travail étaient concernés et qui pourrait être le prochain sur la «liste des personnes à abattre», ont expliqué des employés concernés sous couvert d'anonymat. Il y a longtemps que l'image volontiers répandue autrefois, selon laquelle Google est une «communauté de geeks» dans laquelle on peut s'amuser et où la créativité et la pensée non conventionnelle sont encouragées, a bien fait long feu.

La branche suisse de l'informatique croît selon la tendance générale. © Christof Leisinger

Entre-temps, il s'agit manifestement, «dans le cadre du déroulement normal des affaires», d'alléger la bureaucratie qui s'est créée en supprimant des niveaux entiers de management, de se concentrer sur les priorités opérationnelles et de dégager des moyens financiers pour les investissements lourds dans le développement des méthodes d'intelligence artificielle. Sur cette base, l'ambiance au sein du géant d’internet peut certes s'être détériorée en raison de «la réorganisation chaotique». D'un autre côté, le nombre total d'employés de Google a tout juste diminué d’environ 4% au cours des derniers mois, pour atteindre près de 183’000 employés à la fin 2023.

Un cauchemar pour les employés – et pour l'image du groupe

Plusieurs médias expliquent qu’en Suisse, un collaborateur de Google a la possibilité de suivre les suppressions de postes en interne, mais que l’entreprise ne communique pas sur ces sujets avec le grand public. C’est un retour aux rumeurs de bureaux à l’ancienne, un cauchemar pour les employés. Et cela ne fait que contribuer à écorner l’image de Google. L’enthousiasme des employés en pâtit également: en-dehors de leurs attributions professionnelles, il n’était pas rare que ceux-ci poursuivent des projets plus créatifs sur des concepts ou des idées qui leur tenaient à cœur; cette envie s’est largement perdue.

Ce changement de cap dans les ressources humaines est regrettable. La passion était pour une majorité d’employés le moteur de leur engagement chez Google, et c’est aujourd’hui une grande déception. Google se débarrasse de son image «geek» et devient une multinationale comme une autre, avec des intérêts de monopole et de profits. 

Dans le domaine de la technologie et du numérique, la tendance du marché du travail suisse reste cependant à la hausse. On comptait il y a 30 ans 25’000 emplois pourvus, ce chiffre avait presque quintuplé en septembre dernier.

L'envolée du cours de la maison mère de Google fait froid dans le dos. © Christof Leisinger

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