Média indocile – nouvelle formule

A vif

A vif / Une accoutumance aux héroïnes sous vibrato

Diana-Alice Ramsauer

3 septembre 2017

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La littérature classique offre de nombreux tableaux de femmes aux physiques et aux caractères passionnés. Jean-Pierre Althaus en a fait une mise en scène, qu’il présentait pour la toute première fois au Livre sur les quais à Morges.



Une demie-heure avant l'ouverture des portes, ils sont déjà une vingtaine à patienter pour voir la nouvelle création de Jean-Pierre Althaus, le presque célèbre ancien directeur de l’Octogone de Pully «Anna, Nana, Nanana». «Du haut de mes 25 ans, je dois faire chuter la moyenne d’âge de moitié …», je pense, mi-amusée, mi-désolée.

Quelques minutes avant le début du spectacle, le comédien, Jean-Pierre Althaus lui-même, s’installe sur scène. Un décor simple: un tableau, une petite tour de livres posés sur une table en bois, un encrier et une plume d’oie. Et côté jardin, un fauteuil en cuire noir, style IKEA, qui jure un peu avec le style vieille époque du reste. Il regarde le public, feuillette quelques pages de ses bouquins et réajuste son jabot du XVIIIe siècle.

Ses premiers mots nous mettent dans la confidence: il est un jeune homme accroc à ses héroïnes. D’abord à Blanche Neige, pour qui il aimerait être le nain «Atchoum» bourré d’histaminiques à cause de son allergie au pollen. Et puis à la Petite Sirène, à Cendrillon et bien d’autres. Plus tard, alors que les jeunes de son âge collectionnent les vignettes Panini, lui préfère sniffer la poussière des bibliothèques.

Je peux résister à tout sauf à la tentation, disait Oscar Wilde

Au fil des descriptions de femmes que les auteurs croquent de leur plume, on découvre la sensualité dépeinte par Tolstoï et sa Karénine, si bourgeoise, mais dont les yeux noirs brûlent d’une flamme indescriptible. On s’émerveille de la Marie de Verneuil de Balzac courageuse, déterminée et rongée par l’amour. La Marquise de Merteuil de Laclos est encore plus fourbe et enchanteresse: «Je garde ma façon de penser pour moi. Et ne montre que celle qui m’est utile», disait-elle. S’enchaînent courbures des pieds envoûtantes, bouches comme deux grenades ouvertes, poils d’or aux aisselles, gorge pointée comme deux flèches et duvet noir au coin des lèvres.

Cette apologie de la femme est agrémentée de respirations musicales interprétées par la jeune violoniste aux cheveux de feu, Rachel Kolly d’Alba. Entre pizzicati et vibrato ses mouvements, façon rock star, lui valent ce soir-là quelques coups d’archets dans le rideau rouge au fond de la scène. Une fougue qui correspond à merveille à la fascination démesurée des auteurs pour leurs héroïnes.

Difficile pourtant de finir par quelques mots bien choisis un spectacle empli de tant de poésie. Dommage qu’il finisse donc sur le ton de la plaisanterie et sur de l’auto-publicité…


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