A vif / Partenaires sociaux ou collabos?
Le 1er mai, à Paris, des affrontements ont eu lieu entre le service d’ordre de la CGT et d’autres manifestants reprochant aux syndicalistes d'être des «collabos». Sur les plateaux de télévision, les spécialistes s’en sont donné à cœur joie, la plupart du temps sans une once de réflexion.
«Etre cégétiste et se faire traiter de collabos de Macron, c'est à hurler de rire», a déclaré, sans rire, Benjamin Amar, le médiatique membre de la direction nationale de la CGT. Toujours dogmatiquement correct, il a aussi expliqué qu’il s’agissait sans doute d’une attaque de l’extrême-droite. D’autres syndicalistes ont déclaré qu’il s’agissait «d’un groupe d’individu dont certains se revendiquant gilets jaunes». Bref, des méchants, des salauds, des racistes, des homophobes...
Les images ont été montrées à la télévision. Dans le cadre de la manifestation du 1er mai à Paris, des bagarres ont eu lieu entre le service d’ordre de la CGT et d’autres manifestants, l’inscription «CGT collabos» a été taguée sur une camionnette du syndicat.
Le bal des faux-culs
Le bal des commentateurs a alors pu débuter. Le bal des faux-culs aussi, tout le monde trouvant inadmissible l’agression dont a été victime la CGT, pourtant souvent accusée, par les mêmes personnes, de «prendre les Français en otage» lors des actions de grève. La ministre LRM chargée de la Citoyenneté, Marlène Schiappa, pas plus bête que les autres, a doctement déclaré: «J'observe que les manifestations rassemblent de moins en moins de monde, mais qu'elles sont de plus en plus violentes donc elles se transforment.» Ajoutant: «C'est évidemment absolument inacceptable et intolérable que de s'en prendre à des gens qui manifestent…», ce qui bien sûr ne concerne pas la police, dont la violence contre les manifestants est toujours «légitime».
Au-delà du spectacle médiatique, des déclarations opportunistes, de la récupération idéologique, l’événement nous rappelle que le syndicalisme réformiste manie une dialectique complexe. Il doit tout à la fois montrer aux travailleurs qu’il les défend et prouver aux patrons qu’il maîtrise les travailleurs pour se placer en interlocuteur privilégié.
Pas le premier affrontement
Contrairement à ce qu’ont dit certains «spécialistes», ce n’est pas la première fois que la CGT se fait prendre à partie par plus à gauche qu’elle. En Mai 68*, notamment, la centrale syndicale a tout fait pour reprendre le contrôle des grèves et des occupations d’usines «spontanées», ce qui ne lui a pas valu la reconnaissance de tous.
Pour revenir à Paris, ce 1er mai 2021, plutôt que de bavasser, les commentateurs feraient mieux d’enquêter un peu. Il ne s’agit sans doute pas d’un «guet-apens» d’extrême-droite mais peut-être plus prosaïquement de la suite d’affrontements qui ont ponctué le cortège, le service d’ordre de la CGT tentant d’y faire sa loi et des éléments plus radicaux refusant de s’y soumettre. Qui a déjà vécu une manifestation de ce genre de l’intérieur sait de quoi il s’agit, cela arrive même parfois en Suisse**.
Arrivé là, il faudrait dire que la violence n’est en aucun cas excusable, qu’elle est anti-démocratique. Je préfère réfléchir à la lutte des classes, qui a disparu du vocabulaire mais pas forcément de la réalité sociale. Une lutte dans laquelle s’affrontent des camps et des stratégies. Notamment celle des réformistes qui négocient avec le pouvoir, se retrouvant ainsi à devoir «collaborer», et celle de ceux qui veulent un affrontement radical.
* Cette vidéo montre deux syndicalistes de la CGT tentant, en 1968, de convaincre une gréviste du bienfait de la reprise du travail:
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