A vif / La jouissive chasse aux sorcières
Le 9 mars, la Première de la RTS a étalé, matin, midi et soir, un énorme scandale. Des restaurateurs contraints à la fermeture reçoivent en douce, à leur domicile privé, des amis et des clients qu’ils régalent. Ces «tricheurs» multiplient «les astuces» pour ne pas se faire pincer. Pire: ils n’affichent aucun sentiment de culpabilité. Les voilà enfin dénoncés… quelle belle croisade médiatique!
La police veille pourtant et a collé quelques dizaines d’amendes aux coupables de «transgression». Pas trop élevées, selon le journaliste, environ 500 francs. Le procureur général de Neuchâtel, Pierre Aubert, suave, explique, dans sa grande bonté, qu’il ne faut pas trop accabler une corporation qui a déjà beaucoup souffert. Quant au journaliste de la radio, notre excellent confrère Ludovic Rocchi, il frétille d’aise à pouvoir livrer ses révélations au terme d’une enquête dans les tréfonds de cette délinquance gourmande: «Ce ne fut pas facile!», confie-t-il.
Les autorités n’ont pas de souci à se faire quant à l’application des multiples interdictions imposées depuis des mois. Les gardiens médiatiques de la bonne conduite veillent au grain et désignent à l’opprobre publique ces déviants. Leurs minuscules écarts au même titre que les vraies truanderies.
Les hôtels peuvent servir à manger à leurs hôtes mais pas aux visiteurs d’un midi ou d’un soir. Cette bizarrerie ne choque guère. Mais les petits malins qui servent à manger en donnant aux clients un numéro de chambre fictif, eux choquent grandement la sage radio d’Etat. Encore heureux qu’elle n’ait pas signalé l’opération d’un palace de la Riviera vaudoise qui propose un forfait à 1000 francs, avec repas de grands chefs, nuitée et petit-déjeuner. La police risque de frapper nuitamment à la porte des hôtes pour s’assurer qu’ils y dorment bien car rentrer chez eux eût constitué un délit.
Cette chasse aux sorcières ne rappelle-t-elle pas quelques sinistres souvenirs historiques? Qu’importe, au nom de la Raison sanitaire, tout est permis. Et là je dois confier mon dilemme. En bas de chez moi, il y a un restaurant. A voir l’abondance des sacs-poubelles déposés dans le container, je me demande s’il n’y aurait pas là des agapes clandestines. Que dois-je faire? Envoyer à la police une lettre anonyme — je ne veux pas me brouiller avec les voisins — ou téléphoner à Rocchi pour qu’il mette son nez dans le coin et en remette une couche à son méga-reportage? Non, je plaisante. Le malheureux restaurateur auquel je pense, nullement sauvé par la vente à l’emporter, me confiait être au bord de la faillite. Mais ce scandale-là est tellement moins radiophonique que la traque aux «tricheurs».
VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
5 Commentaires
@yeppo 11.03.2021 | 08h45
«Plus globalement la couverture de la pandémie de la RTS est depuis 1 année le fidèle et complaisant reflet de la Voix de son Maître OFSP, anxiogène, sans la moindre lecture critique des ses ukases, ne donnant la parole qu'aux experts épidémiologues et virologues, certes compétents mais n'ayant de leurs spécialités qu'une vision limitée aux aspects infectieux en négligeant totalement les impacts sociologiques de leurs propositions.»
@brigo 11.03.2021 | 10h31
«C'est le vivre ensemble qui est mort du Covid... Et le taux dépasse amplement celui de la mortalité réelle ( 0.03 %) !
»
@moretet53 12.03.2021 | 15h26
«La question n'est pas de jouer au chat et à la souris avec les autorités mais de ralentir, voire arrêter la transmission du virus. Ceux qui prennent inconsidérément le risque de transmettre le virus ne font que prolonger la crise et les mesures sanitaire pour tout le monde.
Tricher sur sur les mesures sanitaire ne fait pas de mal en soi si les participants s'assure que le virus est absent.
La créativité à exercer n'est pas sur le contournement des directives mais pour vivre des relations sociales sans transmission de virus.»
@pitschum 14.03.2021 | 14h06
«Ceci conforte bien l'idée que F. Dürrenmatt avait de la Suisse: "une prison dont les habitants sont les gardiens".
»
@Ancetre 12.04.2021 | 13h07
«Si on arrêtait de nous infantiliser et acceptait que nous sommes capables de prendre nos responsabilités, il n'y aurait pas matière à formuler des mesures aussi ridicules qu'inutiles et souffrant de nombreuses exceptions quand elles touchent aux "vaches sacrées" de notre pays, comme CFF et stations de skis par exemple. Mais ce serait priver les petits Savonarole ou Calvin du plaisir de la délation encouragée et supportée par certains de nos édiles qui se muent avec plaisir en shérifs à la John Wayne !!»