Média indocile – nouvelle formule

A vif


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Le marché des sextoys, comme celui de l’intelligence artificielle, est en pleine expansion. Alors que les machines réussissent mieux que nous certaines choses, faut-il s’en inquiéter ou se dire que faillir peut être un plaisir?



«Mon sextoy me fait jouir plus vite que mon partenaire…» Le magazine français Le Point se demande «ce que changent vraiment les sextoys nouvelle génération dans notre rapport au plaisir.» C’est une bonne question, on peut l’aborder de deux manières différentes. La première sous l’angle de l’efficacité, et là, rien à dire, un bon vibromasseur va mieux œuvrer qu’un mauvais amant, un masturbateur masculin va faire plus d’effet qu’une amante lasse. C’est comme l’intelligence artificielle, laquelle va trouver plus rapidement que vous les renseignements que vous cherchez, rédiger une meilleure offre d’emploi, générer une image avec plus de dextérité. C’est comme la machine à coudre, la scie électrique, le lave-vaisselle… Depuis des centaines de milliers d’années nous mettons au point des outils plus efficaces que nous, il n’y a aucune raison pour que le sexe soit épargné.

La seconde manière de réfléchir à la question des sextoys – ou des machines à coudre, ou des scies électriques – consiste à se demander ce qu’est l’efficacité, à quoi elle mène, à qui elle sert, ce qu’elle génère. Aujourd’hui, nous sommes soumis à l’obligation de réussir. Réussir notre vie, notre sexualité, notre carrière professionnelle, nos loisirs… De réussir et d’en jouir. Or si jouir est toujours agréable, faillir peut se révéler instructif. Faillir, c’est laisser venir l’inconnu, accepter la surprise, retrouver la possibilité d’une foi, croire à nouveau. A l’inverse, réussir c’est être soumis à une mécanique matérialiste: je fais ce qu’il faut pour atteindre mon but. «Si ce qu’on attend se produit exactement comme on l’attend, alors cela signifie qu’il ne s’agissait pas vraiment d’attente, mais plutôt d’une forme de projection prophétique dans le futur, qui en annulerait le caractère inconditionnel au profit de sa détermination absolue», explique le philosophe Laurent de Sutter dans Décevoir est un plaisir (Ed. PUF).

Pensez-y la prochaine fois que vous utilisez un sextoy – ou une machine à laver ou l’intelligence artificielle: on peut jouir de faillir et philosopher à partir d’un vibromasseur.  

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