A vif / Ivresses bellicistes
Le 5 mars, le président français Emmanuel Macron s’est adressé à ses concitoyens lors d’une allocution télévisée durant laquelle il a désigné la Russie comme une menace pour la France et l’Europe. Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission européenne, n’est pas en reste.
«La patrie a besoin de vous et de votre engagement… La Russie est une menace pour la France et l’Europe… Elle s’en prend déjà à nous…» Le discours exalté d’Emmanuel Macron a stupéfait les Français. Beaucoup, à gauche comme à droite, opinent du bonnet. D’autres renâclent, se fâchent, ou rigolent, voyant bien le bénéfice politicien retiré de cet emballement. On ne va pas renverser le gouvernement quand la guerre est à la porte, et encore moins le président.
Cet accès de fièvre ne serait pas trop grave s’il ne s’ajoutait à des discours semblables au niveau européen. Où Ursula von der Leyen, bien au-delà de son mandat, se voit nantie d’un pouvoir suprême, bien décidée à faire taire les voix divergentes. Ce qui d’ailleurs ne plaît pas partout ni à tous.
Rhétorique belliqueuse
Voilà une occasion d’analyser les ressorts de la rhétorique belliqueuse. Celle-ci suppose de se détourner d’un sage principe: devant un conflit potentiel, il convient tout à la fois de s’y préparer et de le prévenir par la diplomatie, par la discussion entre les parties. Si l’on veut chauffer les foules, il s’agit au contraire d’ancrer d’emblée l’intransigeance et le manichéisme. La parole doit être simple. Plus elle choque plus elle impacte. Telle la phrase prononcée par la première ministre danoise, Mette Frederiksen: «La paix est plus dangereuse que la guerre.»
Autre nécessité: caricaturer l’histoire. Deux exemples. Macron affirme que la Russie a mis le feu en Ukraine dès 2014. L’OSCE, sous la direction de diplomates suisses, surveillait le cessez-le-feu des accords de Minsk. Elle a tenu le compte journalier des violations. Il apparaît que pendant toutes ces années, l’armée ukrainienne a mené des milliers d’attaques contre les populations russophones du Donbass. Des attaques particulièrement nombreuses en 2021 et début 2022. C’est un fait. Il ne justifie en rien l’agression russe mais il contrarie le récit. Le président français a cru bon d’évoquer les «interventions russes» en Moldavie et en Roumanie. Qu’il y ait eu des coups de pouces sur les réseaux sociaux, c’est possible. Mais notons que le vainqueur honni des élections roumaines annulées a recueilli plus de voix qu’il n’avait de followers sur la toile. Ces accusations portées sans preuves sont d’autant plus absurdes que dans l’autre camp, les médias pro-OTAN étaient arrosés de millions par l’USAID.
L'utilisation du mensonge
L’appel aux armes doit bannir toute complexité. Et ne pas craindre le mensonge. Dire, comme l’a fait Macron, que la Russie s’en est déjà prise à la France, c’est un peu gros. Il évoque de mystérieux «assassinats». Diable, lesquels? Et il a brandi la menace des hackers. Comme si ceux-ci n’étaient pas de tous bords. Ces attaques informatiques sont certes désagréables mais moins meurtrières, admettons-le, que les bombardements, tels ceux pratiqués avec des missiles de fabrication occidentale à l’intérieur de la Russie.
Les clairons mobilisateurs ne tolèrent guère les musiques plus paisibles. Il s’agira de faire taire les gêneurs. Comme on a si bien su le faire au début du Covid. A commencer sur les réseaux sociaux. Gare à eux! La Commission s’y emploie depuis longtemps, sans grand succès car les Etats renâclent. Mais l’un d’eux y va fort. Le gouvernement roumain, tremblant pour son avenir, vient d’annoncer un nouvel organisme qui devra censurer, entre autres, tout propos politique «illégal».
La guerre commence dans nos têtes. A chacun de décider quelle place elle veut lui faire. Si possible sans céder à l’ivresse.
VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
7 Commentaires
@Christophe Mottiez 07.03.2025 | 10h50
«je n'apprécie guère emmanuel macron, mais cette fois il est à la hauteur des enjeux.
son propos n'est pas belliciste, mais réaliste.
ce n'est qu'en construisant une europe puissante militairement que les européens ne seront plus les vassaux ni des états-uniens, ni des russes.
»
@Ph.L. 07.03.2025 | 11h07
«L'Europe n'est plus en mesure de mener des guerres totales comme le second conflit mondial parce que ses états sont désormais des sortes de provinces de l'empire anglo-saxon, point final. En investissant davantage dans sa défense l'Europe ne fait d'ailleurs qu'obéir aux ordres des USA et rien d'autre. A cet égard, le cas de la force nucléaire anglaise, dont on se rengorge volontiers dans les médias, est symptomatique : elle est totalement sous les ordres de Washington depuis le début, les bombes et missiles anglais étant en fait construits aux USA et contrôlés par eux. Tout le reste, c'est de la politique-spectacle.»
@Foenix 07.03.2025 | 12h12
«Etre capable de se défendre si nécessaire est une chose. Vouloir la guerre en est une autre ! Or les propos de M. Macron me semble de nature à attiser un feu qui brûle déjà.
J'ai l'habitude de dire à mes correspondants qu'il faut être deux pour faire la guerre autant que la paix. Et pour prendre l'exemple d'une cour d'école (que tous peut comprendre), la faute est à celui qui répond par un coup ou à celui qui l'aura cherché ? A chacun de revoir ses propres tors pour envisager de faire la paix.
Je crains que les discours de victime à sens unique (ex: Ukraine) autant que les discours bellicistes (Europe) ne vont pas dans cette direction !»
@Françoise 59 07.03.2025 | 18h22
«L'Union Européenne devait apporter la paix, la prosperité, la liberté et la simplicité pour les Etats membres.
Dans la pratique, après avoir multiplié la bureaucratie et les lois nuisibles sous la pression des lobbys, démantelé les services de l'Etat (santé, etc), détruit les retraites, endetté les Etats membres, imposé la censure, l'UE prône maintenant la guerre ... pour maintenir la paix (vieille rengaine usée qui n'a jamais fonctionné).
L'UE est au bord du gouffre: la grogne des populations se traduit par une montée des partis d'extrême droite.
Alors, c'est la fuite en avant: la guerre pour imposer par la force une union des Nations contre un ennemi extérieur. Pourtant, l'histoire nous l'a appris, c'est dans ces situations que le pire arrive.
En abusant de l'inversion accusatoire, nous sommes incapables de toute autocritique. Nous avons verouillé les contre-pouvoirs, soupapes de sécurité de nos démocraties, et la pression augmente dangereusement dans la chaudière.
Jamais, une telle situation ne s'est présentée dans l'histoire de l'Europe. Elle s'est isolée et s'est fait 3 ennemis: la Russie, la Chine et bientôt les USA.
Est ce que les citoyens européens mesurent ce que signifierait une guerre d'un Etat européen contre la Russie ? Quel seraient les conséquences d'une frappe en profondeur surtout si le pays possède l'arme nucléaire ? (France et Angleterre)
Quelle seraient les conséquences d'une escalade ? Ou même d'une erreur humaine comme un missile qui exploserait au mauvais endroit ?
Il est temps que les Européens sortent de leur torpeur pour éviter une catastrophe dont ils n'ont pas mesuré l'ampleur.»
@Maryvon 07.03.2025 | 22h47
«Je partage intégralement l'analyse de l'ancien Ministre de la Défense, Monsieur Hervé Morin suite à l'allocution télévisée de Monsieur Macron. De mémoire, Monsieur Morin dit que les propos du Président Macron étaient inutilement inquiétants. Il ajoute également que l'on ne peut se sentir en sécurité lorsqu'on entend de tels propos. Je pense que Monsieur Morin a mille fois raison car si un Chef d'Etat doit la vérité à son peuple, il n'est pas obligé de faire de la surenchère. C'était déjà ce qu'il avait fait lors du Covid, souvenons nous des interventions télévisées anxiogènes de Monsieur Macron qui n'hésitait pas à dire au français face à un virus : "Nous sommes en guerre". Rappelons lui que les mots ont un sens. Un Chef d'Etat se doit de garder la tête froide si il veut conserver la confiance de son peuple.»
@JNSPQM99 08.03.2025 | 09h14
«Prétendre que "la paix est plus dangereuse que la guerre", c'est de la folie!»
@Baïka 09.03.2025 | 16h44
«Que peut-on espérer de Monsieur Macron qui a déjà causé tant de tort à son pays ? Faut-il attendre qu'une guerre éclate pour que le peuple réalise enfin qu'il est dirigé par un sociopathe ?»