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Culture

Culture / Au pays de Varlam

Marie Céhère

10 mars 2023

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«Varlam», Michaël Prazan, Editions Rivages, 267 pages.



Pour les besoins d’un documentaire, l’écrivain et réalisateur Michaël Prazan et son équipe de tournage ont suivi la tristement célèbre route de la Kolyma en Sibérie. Plusieurs centaines de kilomètres dans la taïga dévorée par la glace, dans les régions les plus froides du monde, celles du gel éternel, entre Iakoutsk et Magadan, la capitale des prisonniers du Goulag. On lit son récit de voyage, ses galères techniques, sa confrontation avec les -50 degrés ambiants, ses anecdotes, émaillées de rappels historiques et de rencontres avec des témoins de l’histoire russe. C’est déjà le monde d’avant, d’avant la guerre, d’avant la pandémie aussi. Une Russie un peu plus bavarde mais tiraillée entre désir de mémoire et patriotisme qui bride la critique des crimes passés. Des millions de Russes ont aujourd’hui encore une histoire avec le Goulag à raconter. On en découvre le folklore maintenu en vie, comme cette chanson, hymne des «Zeks». A eux seuls, ce road-book, ces histoires, ces images, sont nécessaires pour comprendre notre voisin et maintenant adversaire russe. Mais le clou du livre, le héros muet, c’est Varlam, un chat recueilli sur la «route des ossements» entre la vie et la mort, baptisé en l’honneur du grand écrivain du Goulag Varlam Chalamov, et que l’auteur a ramené avec lui à Paris. Dans les yeux de Varlam, il voit la mélancolie des grands espaces, la rage de vivre, la contemplation jamais lasse de l’humanité, sous ses dehors les plus et les moins reluisants.

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