Média indocile – nouvelle formule

Culture

Culture / Pas de ça chez nous

Marie Céhère

24 septembre 2021

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«Famille», Lydie Salvayre, Editions Tristram, 38 pages.



Sur le métier remettre l’ouvrage. L’écrivaine Lydie Salvayre, prix Goncourt 2014, s’est attelée à l’exercice. Famille est une édition revue et augmentée de la nouvelle «Famille 1» parue en 2012 dans le recueil Et que les vers mangent le bœuf mort. Le canevas est inchangé. D’une écriture brute, qui omet souvent transitions, ponctuation superflue et «zones tampons» entre les deux trames de l’histoire, celle de la famille et celle de la série télévisée «Cœurs brisés», Lydie Salvayre met en place le compte à rebours avant l’explosion meurtrière, inévitable dans la logique du récit et évitée dans la nouvelle. Face à la folie, à la violence ou à l’inceste, la littérature souvent balance entre désir de pudeur et nécessité d’impudeur. L’auteure ici ne choisit pas, elle montre, en plan fixe. La famille, soit le fils, la mère et le père, forment un trio infernal dont les enfers respectifs s’entrechoquent. Au milieu d’eux, le monde réel entre dans la salle à manger par la fenêtre du journal télévisé, et est aussitôt mâché et recraché par le fils, qui souffre d’une forme sévère de schizophrénie. Cette maladie, on le sait, s’adapte à l’air du temps, à l’environnement: ici c’est sur le vaccin anti-covid que le fils concentre toute sa psychose paranoïaque. Psychose doublée d’un devoir de silence, car «quelle honte»; «ça ne doit pas sortir de la famille»; «il suffit de penser à autre chose»... Cruauté raffinée, de ce cauchemar quotidien rapporté, presque en verbatim, il revient au lecteur de combler les vides, d’interpréter les répliques: d’anticiper le naufrage.

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