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Actuel / Les échecs de politiques face au changement climatique

Bon pour la tête

26 novembre 2018

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Le réchauffement climatique frappe la Suisse plus durement que prévu. La réaction politique devrait être d'autant plus énergique. Pourtant, elle reste hésitante: analyse en six points.




Un article original de Republik écrit par Elia Blülle et Simon Schmid

Une traduction de Diana-Alice Ramsauer, Bon pour la tête


Des personnes âgées qui souffrent d’insomnie en période tropicale. Des propriétaires qui pompent l’eau du sous-sol après de fortes intempéries. Des maraîchers qui restent cois devant leurs concombres desséchés. Des enfants dont les luges restent coincées dans une boue brunâtre: c’est de cette manière que le Centre climatique du NCCS décrit l’avenir de la Suisse si la température globale continue son envolée effrénée.

Le message des climatologues est clair: la Suisse est touchée plus durement par le changement climatique que d’autres pays et cela, bien plus fortement qu’on ne le pensait. Des accords internationaux tels que l’Accord de Paris, qui visent à limiter l’augmentation de la température à moins de deux degrés Celsius par rapport à l’ère préindustrielle sont donc d’un intérêt fondamental pour la Suisse.

Les grandes questions sont pourtant les suivantes: le pays se comporte-t-il en conséquence? Notre politique climatique est-elle suffisamment efficace? La Suisse prend-elle les mesures nécessaires pour jouer son rôle dans la résolution du problème?

Si nous voulons répondre à ces questions en termes généraux, il n’y a qu’une seule réponse: non. La Suisse n’en fait pas encore assez pour lutter contre le changement climatique.

C’est ce qu’atteste déjà l’«ancienne» politique climatique suisse, qui date pourtant seulement de 2011. L’objectif d’ici 2020 est de réduire les émissions de CO2 de 20% par rapport à 1990, mais la Suisse n’atteindra probablement pas cet objectif, comme le montre le graphique suivant.

Il y a deux ans, l’équivalent de 48,3 millions de tonnes de gaz à effet de serre CO2 a été émis en Suisse. L’exigence à la fin de la décennie serait de passer à 42,4 millions de tonnes, soit nettement moins qu’à l’heure actuelle.

Réalité et objectifs divergents

Objectifs climatiques suisses et émission de CO2 par secteurs

Source: OFEV. L’agriculture représente environ deux tiers des émissions représentées dans le secteur «Autres». Les objectifs sectoriels sont tirés du projet de révision de loi sur le CO2. L’objectif global pour 2020 représente la somme des secteurs.


Mais la «nouvelle» politique climatique, qui a été tracée dans la perspective de la Conférence de Paris de novembre 2015, est déjà dépassée d’un point de vue scientifique. La Confédération a pour objectif, d’ici à 2030, de ramener les émissions à 50% des niveaux de 1990 – avec le but à long terme que la Suisse émette jusqu’à 85% de gaz à effet de serre en moins d’ici à 2050.

C’est ce que formule le message sur la révision de la loi sur le CO2, dont le Parlement débat cet hiver. Mais entre-temps, la recherche a déjà fait un pas de plus. En octobre, elle a porté un nouvel objectif aux standards. La température de la planète ne devrait en effet pas augmenter de plus de 1,5 degré Celsius. Conformément aux intentions réaffirmées à Paris, le monde serait ainsi préservé des pires conséquences liées au changement climatique. Toutefois, cet objectif n’a pas encore été pris en compte dans la nouvelle loi sur le CO2.

Ceci peut être compris à l’aide d’une formule simple: si l’on veut limiter l’augmentation de la température mondiale à 1,5 degré, le bilan des émissions de gaz à effet de serre doit être ramené à zéro d’ici le milieu du siècle. De plus, la planète ne doit pas rejeter plus de CO2 dans l’atmosphère qu’elle ne peut en élimine (grâce à des procédés techniques qui restent encore à inventer). Si la Suisse veut participer à cette politique, son bilan d’émissions doit être nul d’ici 2050.

Pourtant, la Suisse en est encore loin. Les sections suivantes montrent dans quels domaines la politique climatique a déjà été couronnée de succès – et dans quels domaines elle y a un encore du chemin à parcourir.

Les émissions nationales de gaz à effet de serre sont généralement divisées en quatre catégories: Bâtiments, Industrie, Transport, Autres.


Bâtiments

Les nouvelles règles en vigueur demandent un remplacement des systèmes de chauffage au mazout par des systèmes plus respectueux du climat. Mais les progrès sont trop lents.

Émissions actuelles: 13,2 millions de tonnes d’équivalent CO2

Tendance: à la baisse

Conclusion de la politique climatique: juste ok

C’est en matière de bâtiment que la politique climatique suisse a le plus fait ses preuves. Les émissions ont diminué de près d’un quart depuis 1990. De plus en plus de maisons sont chauffées avec des pompes à chaleur et bon nombre de vieux bâtiments sont en cours de rénovation.

La majorité d’entre eux chauffent encore à l’énergie fossile

Part des sources d’énergie dans le chauffage des ménages

Source: OFS

Au cœur de la politique climatique se trouve ici une taxe sur le CO2 pour le pétrole, le gaz et le charbon. Il rend le chauffage aux combustibles fossiles peu attrayant. Et cela fonctionne: dans les nouveaux bâtiments, plus aucun système de chauffage au mazout n’est installé aujourd’hui (ou presque). Patrick Hofstetter, spécialiste du climat au WWF Suisse, estime toutefois que la réflexion concernant les vieux bâtiments n’est pas suffisante. «Dans deux cas sur trois, quand un chauffage est remplacé, le mazout ou le gaz entre en jeu.»

Le problème est le suivant: un nouveau système de chauffage au mazout installé aujourd’hui fonctionnera pendant les 25 prochaines années. Cela influence donc l’équilibre climatique à long terme. «Pour être sur la voie du zéro émission en 2050, il ne faudrait plus installer aucun système de chauffage au mazout ou au gaz», explique M. Hofstetter.

La stratégie de la Conférence des directeurs cantonaux de l’énergie prévoit que d’ici 2050, les émissions de CO2 des bâtiments soient ramenées à 20% par rapport à 1990 – un objectif ambitieux, mais pas encore suffisant par rapport à l’objectif des 1,5 degré. S’il s’avère au milieu de la prochaine décennie qu’il ne sera pas respecté, le gouvernement compte d’ailleurs introduire une valeur limite d’émission de CO2 lors des remplacements de systèmes de chauffage dans les vieux bâtiments et interdire complètement les systèmes de chauffage au mazout dans les nouveaux bâtiments, comme l’a décidé Bâle-Ville l’année dernière.

La nouvelle loi sur le CO2 veut également relever taxe en vigueur depuis 2008: de 120 CHF à 210 CHF au maximum par tonne. Mais même à des taux plus élevés, les incitations à se chauffer d’une manière respectueuse du climat ne sont suffisantes que si les propriétaires sont bien informés – ce qui n’est pas toujours le cas. Les réglementations telles que celles de Bâle constituent la mesure la plus efficace.

Pour ramener le bilan des émissions à zéro d’ici 2050, il faudrait mettre plus rapidement à niveau l’ensemble du parc immobilier. À l’heure actuelle, seul 1% des bâtiments sont rénovés chaque année. L’association Swisscleantech estime qu’un taux de 2 à 3% serait nécessaire pour atteindre les objectifs climatiques de Paris. En ce qui concerne l’objectif de 1,5 degré, il en faudrait encore plus, selon l’économiste des ressources Lucas Bretschger de l’ETH Zurich.

Ce qui manque: des taxes plus élevées sur le CO2, une interdiction rapide des systèmes de chauffage au mazout.


Industrie

Les entreprises suisses émettent moins de CO2 que par le passé. Mais c’est surtout dû aux changements structurels: certaines émissions ont été délocalisées à l’étranger.

Émissions actuelles: 10,9 millions de tonnes d’équivalent CO2

Tendance: en légère baisse

Conclusion sur la politique climatique: passable

Au niveau du secteur industriel, la Suisse n’est pas en trop mauvais chemin. Les émissions de gaz à effet de serre ont diminué de 17% depuis 1990. Cela est dû aux lois, mais aussi aux changements structurels: les activités à forte intensité énergétique sont de plus en plus délocalisées à l’étranger – et ne figurent donc pas dans les statistiques.

La taxe sur le CO2 lié aux carburants a pour but d’obliger l’industrie à adopter un comportement respectueux du climat. Les entreprises peuvent pourtant passer outre, soit parce qu’elles sont suffisamment grandes pour participer au système d’échange de quotas d’émission, soit parce qu’elles sont suffisamment petites pour conclure un accord individuel avec la Confédération sur la réduction de leurs émissions.

Ce système, qui réunit des entreprises et des experts en énergie, est unique au monde. La majorité des spécialistes le juge positif, à l’exception du manque partiel de transparence. En fin de compte, le facteur décisif pour l’industrie est la précision avec laquelle les rouages sont imbriqués.

Cela vaut surtout pour l’échange de droits d’émission, qui devrait à l’avenir s’ancrer dans le système européen. Cela ouvrirait des opportunités économiques pour la cinquantaine d’entreprises suisses qui participent au système: si elles se comportent de manière exemplaire, elles pourront à l’avenir vendre des certificats d’émission. Le droit d’émettre une tonne de CO2 se négocie actuellement à un peu moins de 20 euros en Europe, un prix bien plus haut qu’en Suisse.

Les émissions de polluants seront à nouveau plus chères

Prix d’échange des certificats d’émission en Europe

Source: Investir.com


Toutefois, l’impact de l’échange de droits d’émission dans son ensemble dépend de l’évolution de la quantité totale de droits d’émission négociables. Jürg Füssler d’Infras, une société de conseil, déclare que le système est encore constitué de beaucoup de vent: «Trop de certificats sont attribués gratuitement aux entreprises chaque année, de sorte qu’il n’y a guère de pression pour réduire les émissions.»

Quoi qu’il en soit, l’offre dans le système européen devrait diminuer plus rapidement à partir de 2021: de 2,2% par an, contre 1,7% actuellement. Mais même cela ne suffit pas pour s’engager sur un chemin en harmonie avec les accords de Paris.

La Suisse a toutefois les mains liées si elle veut aller accélérer le tempo. Sa politique climatique en matière d’échange de droits d’émission – qui couvre un dixième de l’ensemble des émissions – sera en effet à l’avenir mise en œuvre par l’UE.

Ce qui manque: des réductions plus rapides de la quantité totale dans le commerce des certificats.


Agriculture


L’agriculture a longtemps été ignorée dans la politique climatique suisse. C’est sur le point de changer. Cependant, on ne sait toujours pas comment.

Emissions actuelles: 6,5 millions de tonnes d’équivalent CO2

Tendance: constante

Conclusion sur la politique climatique: insuffisante

Les vaches émettent du méthane et les engrais libèrent de l’oxyde nitreux. Les deux sont des gaz à effet de serre à impact fort. C’est pourquoi l’agriculture joue un rôle important dans le bilan climatique de la Suisse.

Cela dit, les émissions de gaz à effet de serre ont baissé de 11% depuis 1990. Selon la stratégie climatique agricole du gouvernement fédéral, une réduction similaire doit encore être observée jusqu’à 2030. Et d’ici 2050, les émissions devraient finalement diminuer d’un tiers par rapport au niveau de 1990.

Ça a l’air d’être un plan réfléchi. Mais pour atteindre les objectifs climatiques globaux dans les décennies à venir, c’est loin d’être suffisant.

Il est étrange que l’agriculture – contrairement à d’autres secteurs comme l’industrie – ne soit pas incluse dans la nouvelle loi sur le CO2. Au lieu de cela, le Conseil fédéral veut y réglementer la politique climatique dans le cadre de la nouvelle politique agricole 2022 (PA22+), qui a fait l’objet d’une consultation la semaine dernière.

Toutefois, on ne sait toujours pas exactement comment les émissions agricoles seront réduites. Dans un premier rapport sur la PA22+, le gouvernement propose simplement d’augmenter les subventions pour les productions durables comme les fermes biologiques. Le rapport ne contient pas d’autres mesures climatiques ni de critères de référence concrets à l’aune desquels la politique climatique devrait être mesurée.

Pourtant, le changement climatique frappe durement l’agriculture. Cela est devenu évident cet été, alors que les sols et les cours d’eau se sont asséchés et que le fourrage s’est raréfié. Il est donc d’autant plus étonnant que les agriculteurs n’aient, jusqu’à présent, guère été inclus dans ces questions.

La politique alimentaire manque également d’une vue d’ensemble. En septembre, le peuple a rejeté l’initiative populaire «Pour la sécurité alimentaire» et l’Initiative pour une alimentation équitable. Les deux préoccupations appelaient à une reconversion radicale de l’agriculture et au renforcement d’une production locale durable en faveur de la réduction des émissions de CO2. Aucune alternative n’a néanmoins été proposée.

Ce qui manque: une stratégie globale qui place le climat au centre de la politique agricole et alimentaire de la Suisse.


Transport

L’essence est trop bon marché, les Suisses se déplacent trop en voiture, et l’électrification du transport routier est en retard par rapport à celle d’autres pays.

Émissions actuelles: 15,3 millions de tonnes d’équivalent CO2

Tendance: en hausse

Conclusion sur la politique climatique: misérable

Si les gens ne voyageaient pas, nous n’aurions pas de problèmes climatiques: les voitures et les camions sont responsables d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre en Suisse. Presque tous les ménages possèdent une voiture particulière, le nombre de kilomètres parcourus augmente d’année en année; les émissions liées au trafic aussi.

Que fait la politique suisse à cet égard?

Depuis 2015, une voiture neuve n’émet en moyenne pas plus de 130 grammes de CO2 par kilomètre (la VW Golf compense la consommation d’un 4X4). À partir de 2020, cela sera réduit à 95 grammes. Toutefois, de nombreux importateurs de voitures n’adhèrent pas aux règles et préfèrent payer une amende plutôt que de s’abstenir de vendre d’imposantes voitures de luxe et des véhicules surpuissants particulièrement gourmands en essence.

L’efficacité du parc automobile, qui est meilleure qu’au début de la décennie, ne descend pourtant pas en dessous du minimum prescrit, et augmente même de plus en plus au-dessus de la valeur limite. Les incitations écologiques pour la circulation automobile sont minimes. L’essence reste bon marché, car la taxe sur le CO2 n’est perçue que sur les combustibles, et non sur l’essence.

Deombreux nouveaux 4x4 sur les routes suisses

Émissions moyennes de CO2 des véhicules neufs

Source: OFEN


Des mesures plus radicales sont donc nécessaires pour réduire davantage les émissions dues au trafic, conformément aux objectifs climatiques. Dans la nouvelle loi sur le CO2, le Conseil fédéral exige que les importateurs de carburants compensent jusqu’à 90% des émissions liées au trafic dans un délai de douze ans. En d’autres termes, ils doivent dépenser de l’argent pour des projets qui permettent de réaliser des économies de CO2. À l’heure actuelle, ce taux d’indemnisation est de 10%.

Dans le même temps, le prix du carburant ne devrait pas augmenter de plus de 8 centimes: c’est ce que veut la Commission de l’environnement du Conseil national, qui s’est penchée sur la facture il y a quelques semaines. Une décision qui contredit diamétralement la demande du Conseil fédéral. En effet, la compensation des émissions de CO2 ne peut être efficace que si elle entraîne une certaine augmentation du prix de l’essence. Les estimations pour cette fourchette vont de 10 à 16 centimes.

La politique climatique dans le secteur des transports est un casse-tête. Outre le prix de l’essence, cela inclut également l’expansion des transports publics et l’infrastructure pour les voitures électriques. Le gouvernement fédéral veut rendre les véhicules électriques plus attrayants grâce à un catalogue de mesures: d’ici 2050, une voiture suisse sur cinq devrait être alimentée à l’électricité, ce qui est extrêmement faible par rapport à l’objectif des 1,5 degré.

En Norvège, ce pays e-Pioneer, la proportion de voitures électriques atteint déjà ce chiffre. Là-bas, l’ère des carburants fossiles pour les voitures devrait s’achever d’ici 2025.

Ce qui manque: des limites d’émissions strictes, des taxes de carburant élevées et des efforts concertés pour développer rapidement la mobilité électrique.


Trafic aérien

Il n’existe pas de politique climatique suisse dans le domaine de l’aviation. Les compagnies aériennes sont indirectement subventionnées, et les bas prix des billets alimentent la demande.

Émissions actuelles: environ 10 millions de tonnes d’équivalent CO2

Tendance: en hausse

Conclusion sur la politique climatique: inexistante

La population suisse vole deux fois plus souvent que celle des pays voisins: 9000 kilomètres par an et par habitant. Bien que les citoyens soient plus respectueux de l’environnement dans la plupart des domaines, les émissions augmentent néanmoins au niveau du trafic aérien.

«La politique climatique a longtemps ignoré l’aviation», déclare Florian Brunner de la Fondation suisse pour l’énergie. «On en paye maintenant le prix.»

Le fait que l’aviation ne figure pas dans les statistiques malgré l’impact climatique élevé est dû aux conventions internationales: chaque pays tient un registre de ses émissions de CO2 à l’intérieur de ses frontières nationales. Le trafic aérien international passe à travers les mailles du filet, le traité de Paris sur le climat n’a pas un seul mot sur l’aviation. La réduction des émissions de l’aviation ne fait pas non plus partie des objectifs climatiques officiels de la Suisse.

Pour réduire les émissions du trafic aérien, il n’y a actuellement qu’une seule solution: le prix des billets doit augmenter. D’autres innovations techniques, comme les avions électriques, qui permettraient de se passer du kérosène, ne sont pas à espérer dans un avenir proche. On doit donc se concentrer sur la consommation et, par conséquent, toucher le portefeuille du consommateur.

Le gros problème, c’est que la réalité va à l’encontre des intentions. Ces dernières années, le prix des billets n’a cessé de baisser sur le marché très concurrentiel des compagnies aériennes. Dans le même temps, la demande de miles aériens a augmenté.

Certains pays européens ont, dans une certaine mesure, contrecarré cette tendance en introduisant des taxes sur les billets d’avion au niveau des vols court-courriers et intercontinentaux. Cependant, en Suisse, les partis bourgeois s’opposent à de telles idées.

La Commission de l’environnement du Conseil national a récemment rejeté la proposition d’une taxe de 12 à 50 francs sur les billets, avec un résultat de treize contre douze voix. La justification est peu convaincante: selon eux, il y a une migration des clients vers l’étranger. Une redevance de ce montant ne suffirait évidemment pas à réduire sensiblement le trafic aérien, mais cela ce serait au moins une mesure qui alignerait la Suisse sur les autres pays.

Prendre l’avion ne doit pas être trop bon marché

Taxes sur les billets dans les pays européens

* Conversion de la monnaie locale en euros au taux de change du 12 novembre 2018, les tarifs varient selon la classe de vol et la destination. Source: PWC, FCC Aviation.


L’aviation reste donc très privilégiée: les vols internationaux continuent d’être exonérés des taxes sur la valeur ajoutée et sur les huiles minérales, alors qu’elles représentent plus de la moitié du prix du carburant automobile. Cela prive ainsi la Confédération de 1,7 milliard de francs suisses de recettes qui pourraient être investis dans la protection du climat.

La seule petite étape que la Suisse franchit en matière de politique climatique est celle de relier son système d’échange de quotas d’émission à celui de l’UE. Dès que l’accord en question aura été ratifié, le trafic aérien y sera également inclus. Cela signifie que les compagnies aériennes devront acheter des droits d’émission pour une partie de leur CO2. Selon les experts, toutefois, la mesure ne devrait entraîner qu’une augmentation minime du prix des billets.

Ce qui manque: une taxe sur le CO2 sur les billets d’avion et une TVA sur le transport aérien.


Émissions d’énergie grise

Les citoyens et citoyennes suisses consomment de plus en plus de produits importés. C’est un avantage pour l’équilibre climatique national. Moins dans la vue d’ensemble.

Émissions actuelles: 69,9 millions de tonnes d’équivalent CO2

Tendance: en hausse

Conclusion sur la politique climatique: inexistante

La Suisse peut se vanter. En moyenne, chaque habitant émet un peu moins de six tonnes de CO2 par an, soit moins que dans la plupart des autres pays.

Mais les apparences sont trompeuses. Si l’on étend la vision au-delà des frontières nationales à l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement, l’empreinte des gaz à effet de serre augmente de huit tonnes pour atteindre un total de quatorze tonnes de CO2 par habitant.

Cette différence représente ce qu’on appelle l’énergie grise. C’est la quantité de gaz à effet de serre émise lors de la production et du transport de toutes les marchandises importées en Suisse. Il s’agit notamment des matières premières, des biens industriels, des produits ménagers et des denrées alimentaires.

Les émissions des marchandises importées sont (avec l’aviation) l’angle mort de la politique climatique internationale. En Suisse, contrairement aux émissions nationales, elles ont augmenté pour finalement dépasser les émissions des autres secteurs.

Exportation des problèmes climatiques

Émissions de gaz à effet de serre, en millions de tonnes d’équivalents CO2

Source: OFEV, Climate Alliance

La Suisse pourrait travailler sur trois plans pour corriger cette tendance. Tout d’abord, se concentrer sur la consommation: utiliser des labels et lancer des campagnes pour encourager la population à acheter des produits moins nocifs pour le climat.

Deuxièmement, se positionner dans le cadre des décisions multilatérales sur le climat, afin que les autres pays adoptent une politique climatique stricte, pour que les produits qu’ils exportent vers la Suisse soient moins nocifs pour le climat.

Troisièmement, introduire des «tarifs climatiques» en fonction de l’intensité des émissions d’un bien. Des produits allant du bœuf aux T-shirts jusqu’au aux tubes d’aluminium seraient majorés à des degrés divers. Toutefois, de nouveaux tarifs ne sont pas nécessairement souhaitables dans le climat politique actuel de guerres commerciales mondiales – et surtout, ils seraient seulement efficaces s’ils étaient introduits par un grand pays ou un groupe de nations comme l’UE.

Ce qui manque: une action concertée avec l’UE.


Perspectives

Il n’est pas trop tard – pas encore. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat considère qu’il est techniquement possible de maintenir le réchauffement planétaire en dessous de 1,5 degré. Pour ce faire, les pays devraient toutefois rapidement prendre des mesures drastiques.

La Conférence des Nations Unies sur le changement climatique à Katowice, en Pologne, qui débute le 3 décembre, devrait ouvrir la voie à cet égard. Des diplomates y élaboreront un ensemble détaillé de règles pour la mise en œuvre du Traité de Paris sur le climat à partir de 2020. Les questions juridiques et techniques sont au premier plan; par exemple, les pays doivent avoir des directives claires pour mesurer les émissions de CO2.

Le même jour, le débat parlementaire sur la révision de la loi sur le CO2 débute à Berne. Pour la première fois, le Conseil national se penche sur le plan directeur de la Confédération pour la période 2021-2030. La question controversée est de savoir si le texte est suffisant: début octobre, le Conseil fédéral avait lui-même commandé une nouvelle révision de ses propres objectifs climatiques… Si la Suisse veut atteindre l’objectif de 1,5 degré, son bilan d’émissions doit être ramené à zéro d’ici 2050.

C’est exactement ce qu’exige l’activiste climatique Marcel Hänggi. Avec son «initiative pour les glaciers» récemment lancée, il veut interdire complètement les combustibles fossiles à partir de 2050 et inscrire les objectifs climatiques de Paris dans la Constitution.

Le dernier mot en matière de politique climatique reviendra donc aux citoyennes et citoyens.

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

1 Commentaire

@vladm 26.11.2018 | 10h23

«Merci pour cet article (ou la traduction).
Cet article mériterait d'être largement partagé, parce qu'il impacte tous et toutes. Dans ce cadre, je ne peux que regretter qu'il ne soit pas en libre accès. J'aurai eu envie de la partager avec de nombreux contacts, mais c'est un poil compliqué (ou je fais une copie dans un document interne, mais c'est peu déontologique)...
Je travaille dans le domaine, et partage cette analyse...»


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