Humour

Jacques-André Schinken est professeur d’histoire-géographie, il vote socialiste, il a 56 ans. Nadège Pochon est psychologue, elle vote Vert Libéral, elle a 55 ans. Ils ont deux enfants, Simon-Pierre, 21 ans, étudiant en droit, et Prune, 19 ans, artiste.

Dieu que la vie est belle! Aujourd’hui, je suis un hispanophile et un homme de gauche heureux! L’Espagne est en finale de l’Euro 2024 et la gauche a gagné les élections législatives en France. Avec Dolorès, ma camarade du parti socialiste, nous n’arrêtons pas de fêter ces victoires. C’est génial: sexe et sangria tous les soirs! Quand je pense que je me suis morfondu avec Nadège durant des années. Il n’y a pas une victoire populaire que nous pouvions célébrer ensemble, c’est une femme de droite… 

J’ai adoré cette formidable idée du front républicain qui a fait capoter l’extrême droite française. «Le Rassemblement national, c’est pas l’extrême droite. Ce sont des alliés de la bourgeoisie affairiste!» Visiblement, Simon-Pierre est très déçu: il a retiré le portrait de Jordan Bardella de sa chambre. «Les élections, ce sont des pièges à cons, sauf en Russie où Poutine gagne toujours!» Je crois qu’il est en train de se radicaliser. Que faire? Et si je lui offrait un CD de Renaud?

Nadège a le nez qui coule et de la fièvre, elle est clouée au lit. Serait-ce le Covid? Je sais qu’il y a deux nouveaux variants au virus. C’est un peu comme en France dans le Nouveau Front Populaire: il y a le parti socialiste et les Insoumis. Dolores me dit que c’est une mauvaise comparaison, que le parti socialiste n’est pas un virus mais au contraire une chance pour l’humanité. J’ai eu une mauvaise pensée: si Nadège mourait, Dolorès et moi nous pourrions nous marier… Je suis un monstre! 

J’ai reçu un message de Prune. Elle est en vacances avec Ambre au bord de la mer. Elle aussi est très contente que la gauche – surtout l’extrême – ait gagné en France mais par contre elle a besoin d’un peu d’argent car en Italie, les prix ont terriblement augmenté: jusqu’à 80 euros par jour pour un parasol sur la plage. J’ai à nouveau été perturbé par une image démoniaque: Nadège se noyant dans la mer… Qu’est-ce qu’il m’arrive? Est-ce que toutes ces victoires réveillent une violence guerrière en moi?   

«Tu as vu que tes amis Espingouins ont gagné contre les Frouzes? Quand je pense qu’ils étaient saisonniers chez nous il y a encore pas longtemps et qu’ils sont en finale alors que nous, on a été éliminés par les Rosbifs…» Jean-Michel, mon beau-frère journaliste, a toujours un langage très imagé. «Et comment va ma sœur? Ça fait longtemps que je n’ai pas de ses nouvelles. Tu ne l’as pas assassinée, par hasard? Ah, ah, ah…» Mon Dieu, est-ce qu’il lit dans mes pensées?

Nadège, trop faible pour le faire elle-même, m’a demandé d’envoyer un SMS à Prune avec son portable pour lui dire de ne pas bronzer seins nus. Et – quelle horreur! – j’ai pensé à ce mari qui simulait des messages de sa femme disparue. C’est sans doute l’abus de sangria qui me fait perdre la tête…

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