Culture / Y’a-t-il un destin ou simplement une incarnation?
«Eva et les bêtes sauvages», Antonio Ungar, Editions noir sur Blanc, 304 pages.
En novembre 1999, à Puerto Inírida, proche de la jungle de l’Orénoque, les FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie) se sont affrontées à des troupes de l’infanterie de marine et de la police colombiennes. Antonio Ungar avait 25 ans, il a assisté aux événements. Aujourd’hui écrivain reconnu, il livre un récit de fiction dans lequel s’inscrivent les faits réels survenus alors. Un récit qui met en scène Eva, réfugiée là avec sa fille, y œuvrant comme infirmière après avoir fuit Bogota et les nuits de débauche de la petite-bourgeoisie locale. Il y a un collecteur de fonds travaillant pour des mafieux qui rackettent les pauvres chercheurs d’or, un médecin idéaliste, des prostituées, le fils du gouverneur. Et les Indiens dont on détruit l’habitat, la culture et les corps. Dans Eva et les bêtes sauvages se mêlent l’amour et la mort, les rêves les plus fous, des désespoirs, la moiteur de la jungle, une violence sans retenue, des sentiments forts, des fidélités, des ignominies. Il y a des baisers et des cadavres, les uns et les autres décrits avec précision mais sans un mot de trop, sans emphase ni moraline. Antonio Ungar est un écrivain sud-américain: il ne surévalue ni la mort ni l’amour, inscrit ses personnages dans une série de lignes de fuite aux croisement desquelles se construit l’histoire. Qui va survivre, quoi? «Entre être de ce côté-ci de la matière ou de l’autre côté, celui du mystère, cela ne faisait pas une grande différence. (…) Dans la jungle, qui elle était n’importait pas, ni d’où elle venait, ni ce qu’elle avait possédé avant d’arriver. (…) Elle pouvait avoir des convictions politiques, des principes moraux, des souvenirs, une personnalité, des intérêts, des désirs, mais pour la jungle, elle n’était qu’un être minuscule qui respirait.» Le mystère des incarnations.
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