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Culture

Culture / Une folie viennoise

Marie Céhère

23 septembre 2022

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«Le Lieutenant Burda», Ferdinand von Saar, Editions Bartillat, 128 pages.



Publiée en 1887, cette nouvelle de Ferdinand von Saar, un classique de la littérature viennoise, était restée inédite en français. L’excellent et éminent Jacques Le Rider et les éditions Bartillat la rendent enfin accessible en cette rentrée. Les amateurs de littérature «Vienne fin de siècle» autant que les autres y trouveront leur compte. Car il n’y a rien, chez ce Lieutenant Burda, dans sa vie de régiment austro-hongrois, dans les bals de la cour impériale, dans les fiacres, le Burgtheater, dans la Prague, Vienne et Brno du XIXème, que de très actuel en vérité. Saar plonge, en bon Viennois, dans le dédale corseté des relations sociales au temps de l’Empire et ouvre une fenêtre sur le brumeux esprit de son personnage, qui sera plus tard l’inspiration d’un autre classique, le Lieutenant Gustl d’Arthur Schnitzler. «La façon dont Burda arrangeait tout à sa convenance, dans les moindres détails, était étonnante.» Dans les termes du présent, on dirait que Burda est un érotomane, qu’il cède à une «herméneutique paranoïaque» comme l'écrit le traducteur: roturier plein de snobisme, fort content de lui-même, il s’imagine comte et aimé de la princesse L.. Il tisse à partir du réel le canevas qui confirme sa folie, butée, inaccessible aux appels de la raison. Ou, prosaïquement, comment des «biais de confirmation» peuvent mener un homme à sa perte. Une robe à l’opéra, un bouquet de violettes, un duel entre officiers jalonnent ce remarquable et cruel apologue psychologique, à lire avec la nostalgie d’hier et le regard d’aujourd’hui. 

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