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Culture

Culture / Une famille en proie à la mémoire

Marie Céhère

31 décembre 2021

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«Serge», Yasmina Reza, Flammarion, 240 pages.



C’est le lit médicalisé qui a achevé la mère de Serge, et de Nana et Jean. Ses derniers mots ont été «LCI», réponse à une question sur le programme télévisé. Son corps, «détraqué par le cancer», n’a pas survécu à l’appareillage médical dont elle avait toujours dit ne pas vouloir. Mais voilà, dans toutes les familles, le moment arrive où l’on ne peut plus faire autrement. Tout déraille. C’est à partir de là que la dramaturge et romancière Yasmina Reza déploie son art du dialogue assassin, son talent pour les petites scènes du quotidien surchargées en cruauté et en humour noir. Depuis la cérémonie au Père-Lachaise jusqu’à un voyage mémoriel complètement raté à Auschwitz, les hauts et les bas de la famille Popper, juifs hongrois non-pratiquants, sont catalogués avec une précision de spéléologue. Jean, qui raconte, ne cache pas qu’il a un peu de mal avec l’existence en général, et avec les slips de bain en particulier. Serge, lui, ne croit pas que les choses, après n’importe quel drame, puissent «ne plus être comme avant». Que ce soit l’hommage aux victimes d’un attentat ou l’exercice mémoriel de la Shoah, le roman déconstruit nos rapports aux souvenirs. A chaque fois, cette même exigence absurdement tragi-comique: «Souviens-toi. Mais pourquoi? Pour ne pas le refaire? Mais tu le referas.» 

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