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Culture

Culture / Le sabre et le turban

Marie Céhère

10 novembre 2023

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«Turquie, nation impossible», Nicolas Glimois, sur arte.tv jusqu’au 22 novembre 2023, 93 minutes.



La Turquie a cent ans. En 1923, Mustafa Kemal dit «Attatürk», «le père des Turcs» était son premier président de la République. Despote éclairé, en faveur d’un contrôle de la religion par l’Etat, de l’émancipation des femmes, de «l’occidentalisation» comme moteur de la modernisation de son pays, il a engagé de vastes réformes et fondé aussi bien que transformé l’identité turque. On l’oppose souvent avec facilité au dirigeant actuel, Recep Tayyip Erdogan, à la tête d’un parti islamiste, se tournant vers l’Orient et posant en nouveau sultan. Le sabre contre le turban. Ce documentaire montre que l’histoire n’est pas si simple. Par exemple, si Attatürk a imposé que l’Etat contrôle les mosquées, que les prêches soient prononcés en turc exclusivement, c’est pour mieux centraliser et uniformiser les cultures, au détriment des minorités religieuses, les chrétiens, les Kurdes, les autres courants de l'islam. Né d’une tragique et violente histoire, sur les ruines de l'empire ottoman et après le génocide arménien de 1915, que la Turquie moderne ne reconnait toujours pas, cet Etat figure comme le verrou entre l’Orient et l’Europe. La démocratie, apprend-on, passe pour dangereuse pour l’unité de l’Etat. L’armée, elle, responsable de multiples coups d’Etat, est la garante de l’ordre et de la République. Il faut au moins cela pour saisir l’identité turque, complexe, paradoxale, qui se fonde sur l’angoisse de la disparition et a besoin de désigner des ennemis pour accroître sa cohésion. 80’000 prisonniers politiques sont actuellement détenus en Turquie. Et pour appréhender le présent: Erdogan, fragilisé par une crise économique, est aujourd’hui un acteur incontournable sur la scène diplomatique. Comme toujours, il faut se défaire de nos œillères occidentales.

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