Culture

Le principe de la populaire émission «Les Pieds sur Terre» est simple: une demi-heure de reportage sans commentaires ni questions, le ou les témoins ont seuls la parole. Un dispositif à la fois efficace et qui rend plus audibles les mots et l’expérience. Dans cet épisode, c’est Eric, 34 ans, habitant de Seine-Saint-Denis qui raconte. Une enfance défavorisée, des parents ne parlant pas bien français, tout juste arrivés de Tunisie, la découverte du «quartier» et aussitôt, la nécessité de se conformer aux codes, à la violence environnante. A l’âge de 13 ans, Eric fait comme beaucoup d’autres «cas soc’», il entre dans «un petit business»: du trafic de cartes téléphoniques d’abord, puis très vite, les stupéfiants, cannabis et drogues de synthèse. Malgré l'éducation qu'il a reçue, Eric se trouve embarqué dans la logique implacable de la délinquance. Lors d’une rixe entre bandes rivales, il est poignardé dans le dos et se réveille paraplégique. Alors, Eric est comme touché par la grâce. Sa voix claire et posée dit combien il a regretté cette violence, mais qu’il n’avait pas le droit de s’apitoyer sur son sort; bien plutôt tâcher d’avancer toujours. Combien il s’est aperçu que ses amis du quartier n’étaient que des «amis géographiques», de circonstance. Il regagne son autonomie, construit son «nouveau moi», reprend des études, monte une entreprise. Sans le formuler, parce qu’il a l’humilité de ne pas poser en symbole, Eric est la preuve que les déterminismes sociaux et environnementaux sont de puissantes machines à broyer les destins. Il y a échappé, mais à quel prix?