Culture / Le bonheur, furtif
«Ce qui ne peut être volé. Charte du Verstohlen», Cynthia Fleury et Antoine Fenoglio, Gallimard «Tracts», 48 pages.
Comme toute charte, celle du «Verstohlen» («furtivement» en allemand) liste, sans hiérarchie, dix points, en l’occurrence les dix conditions du bonheur, selon les auteurs, qui ne sont pas monétisables. Le silence, le soin des morts, l’horizon, la santé physique et psychique, la liberté d’usage, la qualité de vie, le temps long, la possibilité de demeurer et de devenir. En moins de 50 pages, dont il faut admettre à regret que la lecture est ardue, Cynthia Fleury, philosophe qui travaille de longue date sur la notion de soin et son intégration au cœur des processus et des dynamiques politiques, expose la nécessité non négociable de ces dix biens que l’on pourrait dire inappropriables, communs, facteurs du «bonheur national brut». Etre furtif, dit-elle, c’est pouvoir se dérober au contrôle permanent, passer «sous les radars» du marché et intégrer ou réintégrer à nos modes de vie ce qui y échappe. Il s’agit de réapprendre à inclure dans les structures démocratiques ce qui nous paraissait tellement évident qu’il en a disparu. De rendre aux invisibles une visibilité et un rôle dans la cité. De mettre fin au déni et à la moralisation des vulnérabilités. Ce texte est une ébauche de réforme démocratique, au sens le plus large que l’on puisse imaginer, et ouvre des perspectives très concrètes. La réflexion et la refondation ne font que commencer.
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