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Culture

Culture / Justice kafkaïenne sous Staline

Marie Céhère

6 janvier 2023

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«Le Procès. Prague 1952», Ruth Zylberman, visible sur arte.tv jusqu’au 3 février 2023, 70min.



Des hommes en costume, au visage fermé, défilent les uns après les autres à la barre. C’est le procès de 14 accusés, 14 hauts dirigeants communistes de Tchécoslovaquie, parmi lesquels le révolutionnaire Artur London, le numéro 2 de l’Etat Rudolf Slansky, ou l’économiste Rudolf Margolius. Les chefs d’accusation? Montés de toutes pièces par les émissaires de Staline, en pleine paranoïa: sionisme, titisme, trotskisme, trahison... Sur les 14 accusés immortalisés sur cette pellicule en 1952, retrouvée en 2018 dans un entrepôt abandonné de Prague, 11 seront condamnés à mort. 11 sont Juifs. Ce film de Ruth Zylberman s’appuie sur ces images d’archives, sur le témoignage des descendants directs des accusés, et pose une simple question: que se passe-t-il dans la tête de ces hommes, victimes d’une terreur absurde, aveugle et inutile, dont ils ont pourtant été les plus éminents artisans? Devant ce simulacre de justice – tous ont appris par cœur et répété leur texte, leurs aveux, leur contrition – impossible de ne pas songer à un autre célèbre et terrifiant procès, celui de Kafka. Tout y est: des hommes torturés, poussés à bout, rendus fous, des griefs inexistants, une parodie de justice implacable. Avant de mourir, Slansky aurait murmuré: «Je n’ai que ce que je mérite». Aveu final d’un esprit dévasté par la folie stalinienne, ou prise de conscience tardive de ce dont il avait été le rouage? Le procès, raconté par Artur London, qui en a réchappé, dans L’Aveu, a été propulsé vers la postérité par Costa-Gavras.

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