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Culture

Culture / Il n'y a que des preuves d'amour

Marie Céhère

12 juillet 2024

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«Love», Elizabeth von Arnim, traduit de l’anglais par Bernard Delvaille, Editions Bartillat, 480 pages.



Les éditions Bartillat rééditent, en prévision des longues lectures sous parasol, ce roman d’Elizabeth von Arnim, romancière australienne et cousine de Katherine Mansfield (pour la curiosité), paru en 1925. A première vue il s’agit d’une histoire d’amour à la fois passionnée et non conventionnelle. Christopher et Catherine se rencontrent au théâtre, tombent amoureux malgré leur différence d’âge et le regard des autres, d’autant qu’ici c’est Catherine qui a près du double de l’âge de son amoureux. L’écriture est datée dans le bon sens du terme. On trouve dans ces lignes la trace du monologue des tourments intérieurs de Virginia Woolf, ou encore du stream of consciousness de Joyce, bien que régulièrement rappelés au réel. Mais s’agit-il d’une belle histoire d’amour? Le couple ne donne en fait pas l’impression d’en être un. Chacun dans leur bulle, sur leurs rails, Christopher et Catherine ne se rejoignent jamais, ne parlent jamais la même langue, n’aiment dans l’être aimé que le reflet qu'il leur renvoie: Catherine est flattée, se sent rajeunir; Christopher est davantage amoureux de l’amour et en particulier de l'amour qu'il porte à Catherine. Il s’impose d’ailleurs à elle et dans sa vie en transgressant toutes les limites du consentement moderne. Elle, veuve, mère et bientôt grand-mère, ayant voué sa vie à se plier en quatre pour les autres, croit enfin échapper à ce destin de femme alors que se perpétuent sournoisement tous ces pièges. Dans les dernières pages survient un drame qui pourrait enfin faire éclater les bulles, il n’en sera rien: Christopher est choqué par les cheveux blancs de Catherine, Catherine est horrifiée de paraître ainsi devant lui... La vie n'est pas un conte de fées, les gens qui s'aiment ne sont pas des saints. C’est un jeu avec le genre, ironique et à contrepied des romans sentimentaux «féminins» que pratique la romancière, plus qu’une démonstration de pessimisme.

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