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Culture

Culture / Des petites filles pas modèles du tout


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«Perdre la tête», Heather O’Neil, Editions Les Escales, 464 pages.



Voilà un livre qui n’aurait sans doute pas pu être écrit en Europe. Heather O’Neil est Canadienne, elle écrit en anglais, ce roman est empreint d’un positivisme très nord-américain, et ça change un peu du moralisme métaphysique des auteurs européens. Attention: positivisme ne veut pas dire que tout se passe bien dans ce récit, bien au contraire. Simplement, l’autrice ne juge pas ses personnages, elle les observe. L’histoire se déroule à la fin du XIXème siècle, à Montréal. Marie et Sadie sont deux petites filles de la bourgeoisie, privilégiées et qui vont explorer leurs pulsions au-delà du bien et du mal. Il y a beaucoup de références, notamment à Sade et à la révolution française. Au début du livre, Marie et Sadie commettent involontairement un meurtre, ce qui va, on s’en doute, pas mal bouleverser leurs existences. Mais ce sont des enfants de la bourgeoisie, on l’a dit, et elles vont plutôt bien s’en sortir. Ce n’est pas le cas des filles qui travaillent dans l’usine de sucre du père de Marie, ce n’est pas le cas des prostituées ou des bonnes. Ce pourrait être un livre sur la lutte des classes mais sans misérabilisme. Contrairement aux ouvrières, Marie et Sadie peuvent refuser les règles que leur impose leur milieu. Elles mettent ainsi à mal l’autorité des pères et des frères, c’est agréable à lire. «Anne se versa un verre d’eau minérale. Sadie regarda les petites bulles monter vers la surface. On aurait dit qu’une toute petite fée se noyait au fond du verre.» Une petite fée qui représente peut-être les petites filles modèles que Marie et Sadie refusent d’être. C’est un livre sur la condition féminine qui joue avec le manichéisme comme un chat joue avec une souris. C’est troublant.

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