Culture

She Said, le film de Maria Schrader sorti en 2022 sur le début de l’affaire Weinstein, ne nous parle déjà plus du présent. A voir le jeu des personnages, les victimes comme les deux journalistes du New York Times qui ont lancé l’affaire, Megan Twohey et Jodi Kantor, on s’aperçoit qu’il s’agit déjà d’histoire. Nous sommes en 2017. Les journalistes tentent sans beaucoup de succès de faire témoigner des femmes qui se plaignent de comportements inappropriés de la part de Donald Trump, fraichement élu président des Etats-Unis. Mais leur enquête patine. Jusqu’à ce qu’elles se tournent vers d’autres accusatrices, célèbres ou anonymes, dont l’actrice Rose McGowan, qui dénoncent des agressions, des viols, de la part du producteur superstar Harvey Weinstein. Le reste appartient à l’histoire, en effet. Le mouvement #MeToo et le tsunami de révélations qui n’en finit pas de tout emporter dans nos sociétés occidentales venait de naître. Ce qui semble daté, et presque exotique, c’est l’attitude des plaignantes, depuis reconnues victimes par la justice: elles sont terrorisées, paralysées. N’osent pas parler. Même de très célèbres actrices craignent de tout perdre en accusant leur agresseur. «Je suis trop faible, on ne me croira pas, je ne veux pas», répondent-elles toutes aux sollicitations des deux journalistes, en quête de témoignages pour étayer leur enquête. Il faudra un courage que l’on mesure à l’aune du chemin parcouru pour que deux femmes acceptent de parler à visage découvert. Cela n’arriverait plus aujourd’hui. Si des victimes ont bel et bien toujours peur de parler, des millions d’oreilles sont désormais tendues vers elles, prêtes à les entendre.