Média indocile – nouvelle formule

Culture

Culture / Berlin, Eros et Thanatos

Marie Céhère

5 avril 2024

PARTAGER

«Scène de crime à Berlin. Les nuits sanglantes», Jan Zabeil, Caroline Schaper, sur Netflix, 3 épisodes de 35 minutes.



Des policiers, des témoins et des victimes racontent une sordide affaire. En 2012, trois hommes de la communauté gay ont été empoisonnés au GHB, la «drogue du violeur» qui peut être mortelle à forte dose. Un quatrième a frôlé la mort et l’assassin. Tout cela se déroule dans le quartier de Friedrichshain, où la capitale allemande était séparée en deux par le mur. Et cette affaire, au-delà de son aspect policier et judiciaire, tourne autour d’une histoire lourde à exorciser, ce à quoi s’emploient les nuits berlinoises, qui «n’ont pas d’équivalent». Musique, drogues, sexe, fête, affranchissement des codes, c’est dans ce lieu magique, entre ombre et lumières de la nuit, dans le bar Grosse Freiheit (cela ne s’invente pas), que se joue l’un des meurtres. L’effraction de la violence dans une bulle de champagne. Tout pourrait être habilement mis en scène par un auteur de polars, c’est pourtant une histoire vraie. Assez vite, la police comprend qu’elle a affaire à un véritable tueur en série. Comprendre: un tueur qui tue sans raison, sans mobile, pour le désir et le plaisir d’ôter la vie. Les agents découvrent l’univers des clubs gays, des backrooms, en même temps que les médias, fort bavards sur l’enquête, multiplient les clichés sur la communauté, au grand dam des familles de victimes. En voix-off, des extraits des déclarations du coupable à la police «expliquent» ces crimes. Mais aux «pourquoi?», aucune réponse ne sera apportée. Le meurtrier, appréhendé, condamné à la perpétuité, s’est suicidé en prison. La communauté LGBT demeure traumatisée, tant par ces meurtres que par leur caractère arbitraire, gratuit, démiurgique. «C’est comme si notre monde avait été détruit», dit le barman du Grosse Freiheit. L’insouciance empoisonnée elle aussi. 

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

0 Commentaire