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Culture

Culture / Alice Rivaz, moderne voix de femme

Marie Céhère

25 novembre 2022

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«La Paix des ruches», Alice Rivaz, Editions Zoé, 144 pages.



La Paix des ruches est paru pour la première fois en 1947, soit deux ans avant Le Deuxième sexe de Simone de Beauvoir. Le roman aurait pu – aurait dû – provoquer une conflagration au moins égale à celle de la profession de foi féministe de Beauvoir. Mais comme le souligne Mona Chollet dans la préface à cette réédition bienvenue, cela n’a pas été le cas. Il y avait pourtant tout, sous la plume d’Alice Rivaz. Un incipit explosif: «Je crois que je n’aime plus mon mari.», un format court et percutant, des confidences de femme et de femmes entre elles, et tous les thèmes dont on discute encore, malheureusement. Jeanne, dactylo, est mariée à Philippe, qui s’absente souvent pour son travail. Elle écrit, raconte son quotidien à Lausanne, ses collègues de bureau, et surtout ce qu'on ne peut raconter. On y apprend que l’amour est un idéal, le mariage un pis-aller par lequel il faut bien passer. On sourit lorsqu’elle déplore que Philippe se livre au «mansplaining», on ne sourit plus quand il est question du regard des hommes, de la charge mentale, de l’infantilisme dans lequel on maintient les femmes, dans la Suisse des années 40. Jeanne et son auteure dissèquent avec une surprenante modernité les rouages des relations hommes-femmes, et la nature intrigante des premiers («cette race étrangère avec laquelle nous partageons nos demeures, nos lits, notre vie»), les tourments non dits du mariage, le drame de vieillir, le bovarysme endémique des épouses-esclaves. Oui, on sursaute à l’évocation de la guerre d’Espagne, comme si La Paix des ruches avait trouvé sa place dans une intemporalité qui fait les grands romans, et les questions qu'il porte résonnent encore, non résolues: comment vivre ensemble, comme les abeilles dans la paix des ruches? 

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

1 Commentaire

@Philippe37 25.11.2022 | 14h52

«...nous n’arrêtons pas d’apprendre à vivre ensemble : avec soi-même, l’autre, les autres... entre acceptation et affirmation, joie, partage, solitude vraie. Surfer sur les vagues toit en se sachant océan. Y-a-t’il un autre apprentissage ?»