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Chronique

Chronique / Laborieux Cézanne, mascarade fédérale et culture bancaire


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Le peintre Cézanne, exposé à Martigny, plaisait bien à Ramuz. Comme les candidats au Conseil fédéral doivent plaire à l’économie. Par contre, l’Afrique n’a pas les faveurs de Credit Suisse, qui n’aime que les vainqueurs, pas le plaisir.



Il y a toujours quelque chose d’intéressant dans une exposition de peinture. La Fondation Gianadda, à Martigny, donne à voir des tableaux de Paul Cézanne, sous le titre un peu cucul: «Le chant de la terre». Le bâtiment est une sorte de sarcophage et les visiteurs défilent devant les œuvres comme dans les centres funéraires ont vient dire adieu aux morts. Heureusement, certains commentaires égayent les lieux:

– Lequel des tableaux tu prendrais chez toi si tu pouvais?

– Il a peint beaucoup de baigneuses…

– Ah, là, ce sont des baigneurs…

Ne croyez pas que je me moque; je préfère ces propos gentiment bêtas aux postures des artistes. Je ne comprenais pas très bien mon malaise face aux peintures de Cézanne jusqu’à un panneau avec un texte que Charles-Ferdinand Ramuz écrivit en 1906 dans La Semaine littéraire: «Cézanne peint devant la nature à peu près comme on assemble les morceaux d’un jeu de patience devant un modèle à reproduire (…). Il se plait souvent à des vues presque panoramiques, comme pour accumuler à dessein toutes les difficultés. Il est extraordinaire de voir quel aspect définitif il sait communiquer à des choses passagères.» Lourdeur, labeur, volonté de figer ce qui est passager, de l’enfermer dans le définitif. Je n’apprécie ni Cézanne ni Ramuz.

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S’il y a quelque chose qui semble définitif, c’est la mascarade que représente une élection au Conseil fédéral. Là, si j’ai bien compris, se présentent un homme de main des caisses maladie, une sociétaire d’Economiesuisse et un Macron de province, persuadé que cette Union Européenne qui met les peuples à genoux est un vert pâturage à rejoindre fissa. Bref: la peste, le choléra ou la grippe aviaire. Dans les trois cas, l’économie l’emporte sur la politique. Je recommencerai à m’intéresser à ce genre de choses lorsque les parlementaires et les ministres seront tirés au sort parmi les citoyens.

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«Pourquoi aucune équipe africaine n’a-t-elle jamais remporté la Coupe du monde de football?, interroge Credit Suisse. Car leur plaisir de jouer les fait souvent agir de manière trop offensive. S’il est souvent beau à regarder, leur jeu se heurte à l’endurance de celui, plus dense, des champions du monde, qui évitent au maximum les erreurs. Ce secret tout simple du succès d’un jeu défensif cache une certaine leçon de vie: les vainqueurs font moins d’erreurs.» Rappelons que l’initiateur de Credit Suisse, Alfred Escher, était l’héritier d’une fortune gagnée en partie sur le dos d’esclaves africains. Des esclaves qui avaient sans doute trop de plaisir à travailler pour s’émanciper, contrairement à leurs vainqueurs de maîtres. On le voit, la banque zurichoise reste attachée à son ancestrale culture d’entreprise et à ses valeurs fondatrices. Elle persiste.

Comme la migraine.


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