Média indocile – nouvelle formule

Analyse


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Certains commentateurs de la guerre en Ukraine sont invariablement antirusses, quand d’autres prennent systématiquement le contre-pied de ce qui est rabâché dans nos médias occidentaux. Pour ces derniers, le gouvernement des Etats-Unis est souvent décrit comme co-responsable ou même principal responsable de l’escalade guerrière. Si la thèse d’une guerre russo-américaine dont l’Ukraine ne serait qu’un jouet par procuration est plausible, il ne faudrait pourtant pas éluder ceci: le nationalisme ukrainien est singulier et ne doit pas être confondu avec les connexions d’intérêt récentes entre Washington et Kiev. Si le nationalisme ukrainien est instrumentalisé par une ou plusieurs parties au conflit, il est originellement mu par une ambition peu connue, impérialiste, et qui repose sur l’idée d’un exceptionnalisme ukrainien, ce qui est propre à tous les nationalismes.



Peu mentionné dans nos contrées, le nationalisme ukrainien est d’abord profondément européen. C’est plus tard, après la dissolution des empires centraux et l’arrivée des bolchéviques, puis la défaite de l’Axe et les représailles soviétiques, qu’une importante diaspora ukrainienne a posé ses valises aux Etats-Unis et au Canada, terreau sur lequel l’idéologie du nationalisme intégral ukrainien a pu se perpétuer dans l’exil avant d’être replantée – comme Alexandre Soljenitsyne l’avait déjà observé au milieu des années 1990 – dans l’Ukraine de l’Indépendance post-URSS.

Depuis ce moment-là, la rhétorique du nationalisme ukrainien renaissant n’a cessé de faire entendre des accents extrémistes. Ils ont commencé à se discerner, en Europe de l’Ouest, à partir des manifestations à Kiev sur la place Maïdan. Dès fin 2013, nous avons vu des groupuscules extrémistes se rendre indispensables au cours des affrontements physiques avec les forces de l’ordre, et surtout nous les avons entendus revendiquer des idées... Peu de journalistes de grand chemin – pour reprendre l’expression consacrée – se sont intéressés véritablement à ces idées. La majorité des médias grand public et un certain nombre de commentateurs politiques s’échinent à vouloir les relativiser ou les escamoter. Nous sommes d’avis, au contraire, que ces idées formant idéologie demeurent essentielles à la dynamique qui entraîne l’Ukraine dans une spirale qui ressemble à un bras de fer entre une Russie dépeinte impérialiste et une Ukraine qui serait simplement une nation résistant noblement à cette oppression. Or, il n’en est pas ainsi fondamentalement.

Reconquista ukrainienne de l’Europe

En février 2014, directement après le changement de pouvoir à la tête de l’Ukraine, Dmytro Iarosh, ancien leader du mouvement paramilitaire d’extrême-droite Praviy Sektor («Secteur droit»), déjà galvanisé par ses discours applaudis sur la place Maïdan, prononçait un discours martial mis en scène dans une vidéo hallucinante. L’homme en appelait à la Reconquista de l’Europe à partir de l’Ukraine. La vidéo de cette déclaration publiée le 25 février 2014 sur YouTube a été effacée, mais nous la gardons en stock. Historiquement, le terme reconquista n’est pas neutre, il signifiait la reconquête des territoires de la péninsule ibérique par les royaumes chrétiens sur les musulmans qui occupaient ces territoires depuis plusieurs siècles. Traduit en termes ukrainiens contemporains d’extrême-droite, cela donne: la libération du continent européen des migrants, des libéraux et des cosmopolites, à commencer par l’Ukraine, la Russie, les pays Baltes; dans ce discours, Iarosh faisait remonter au prince Sviatoslav Ier – retenons ce nom – la grandeur passée de l’Ukraine. 

Sans exclure une part de manipulation, il fallait prendre à la lettre sa déclaration. Iarosh fut tout de même élu, le 26 octobre 2014, député de la Rada (parlement monocaméral d’Ukraine), puis il est devenu en mars 2015 conseiller au ministère de la Défense ukrainien, chargé de faciliter l’intégration des bataillons de volontaires de Secteur droit au sein de l’armée. Il a ensuite fondé l’Armée des volontaires ukrainiens, formation paramilitaire intervenant aux côtés des forces gouvernementales dans la guerre du Donbass. En janvier et février de cette année, bien avant le déclenchement de l’opération russe, il s’excitait sur son compte Facebook à prédire la guerre de destruction contre Moscou et encourageait des opérations de sabotage menées jusqu’en Russie voisine. (Il semble à présent que les anciens cadres comme lui bénéficient d’un nettoyage en profondeur d’internet pour effacer leurs vilaines ou imprudentes traces, ses comptes Facebook ne sont plus accessibles.)

Ces idées ne sortent pas d’un cornet surprise. Nous voulons donner ici un rapide aperçu des sources d’inspiration de ce nationalisme ukrainien radical, qui, cela en étonnera plus d’un peut-être, ne repose pas fondamentalement sur un nationalisme de conservation, limité à des frontières géographiques, mais bien plus sur un véritable projet impérialiste. 

Sources méconnues du nationalisme ukrainien

Les nationalistes ukrainiens ont leurs propres idéologues, encore très méconnus chez nous. Comme Dmytro Dontsov (1883-1973) ou Mikhailo Kolodzinskiy (?-1939), que les Russes ou les Polonais connaissent mieux, pour cause de proximité «amie-ennemie» séculaire. Leurs idées sont contenues dans des textes qui ne sont que difficilement accessibles chez nous. 

Le premier, D. Dontsov, après deux passages en Suisse, notamment à la tête de la section de presse et d’information de la mission diplomatique d’Ukraine à Berne (1919-1921), retourne ensuite à Lviv pour y développer l’idéologie d’un «nationalisme intégral ukrainien». Ses thèses s’inspirent, entre autres, du vitalisme nietzschéen et du nationalisme intégral théorisé par Charles Maurras au début du XXème siècle. Dontsov est le véritable fondateur du nationalisme radical et extrémiste en Ukraine, via l’Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN1). Son œuvre-programme majeure est «Nationalisme», publiée en 1926. Il y proclame le nationalisme intégral inspiré du darwinisme social (la guerre est inévitable, la violence des forts est légitime sur les faibles) et ne projette rien moins qu’un empire pour le peuple ukrainien («élu et sacré») qui devrait aller jusqu’en Sibérie orientale... Les Russes connaissent très bien cette inclination, et ne l’éludent pas, même dans leurs calculs alternatifs. Les idées de race biologique, de supériorité de l’ethnie ukrainienne jusqu’au fanatisme et le rabaissement des juifs comme des «moscovites» ou de toute autre ethnie considérée comme inférieure dans les théories de Dontsov n’ont rien à envier aux passages les plus sulfureux de Mein Kampf… Or, curieusement, alors qu’il ne viendrait à personne l’idée de tolérer publiquement une résurgence d’hitlérisme, les poussées furieuses de ce nationalisme ukrainien renaissant, reconnaissable pour quiconque est un peu familier de son histoire, donnent lieu à de la «compréhension», à des explications et des justifications à n’en plus finir, quand ce n’est pas simplement à un silence complice. 

M. Kolodzinski, quant à lui, auteur de nombreux textes dans les années 1930 («La guerre des partisans», «La lutte des Italiens pour l’indépendance», «Importance et position stratégique de la Transcarpathie», etc.), est surtout connu, parmi les nationalistes, pour son ouvrage La Doctrine militaire ukrainienne [en ukrainien]. C’était aussi un combattant, qui avait participé à l’entraînement militaire des Oustachis en Italie. Il connaissait personnellement le président des nationalistes croates et futur chef de l'Etat croate indépendant, Ante Pavelic. En 1935-1938, il a travaillé à sa Doctrine militaire qui a eu une grande influence sur les organisateurs de l’Armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA), branche armée de l’OUN, menée par Roman Choukhevytch et Stepan Bandera, qui ont combattu aux côtés des nazis et ont perpétré des massacres en leur propre nom dans les territoires de l’Ukraine, la Biélorussie et la Pologne.

Doctrine militaire ukrainienne, édition de 1940.

Après la prise de la Tchécoslovaquie et la création de la brève Ukraine des Carpathes (Carpatho-Ukraine) en 1938, Kolodzinski a aussi été le principal organisateur du «Sich des Carpathes», une structure militaro-politique conçue pour un renforcement énergique et idéologique de l’Etat ukrainien prévu en Transcarpatie (ou Ruthénie transcarpatique2). Les premiers associés de Kolodzinski dans cette structure étaient Zenon Kossak et Roman Choukhevytch – criminels de guerre avérés, qui ont pourtant bénéficié en avril 2015 d’un statut officiel de héros ayant combattu pour l’Ukraine indépendante au XXème siècle.

Un nationalisme à visée impérialiste

Dans les textes de ces idéologues, on apprend que la relation des nationalistes ukrainiens avec l’Allemagne nazie était loin d’être simple. Ce que beaucoup d’analystes oublient ou ignorent, c’est que l’objectif de leur collaboration était dans leur propre intérêt, non celui de l'Allemagne nazie. Cependant, les idéologues Dontsov et Kolodzinski n’ont rien à envier aux doctrinaires nazis. Ils ont leur propre description de la «race des seigneurs»: les Ukrainiens, ou plutôt, un certain type d’Ukrainiens devant dominer et conduire le reste du monde; et ils ont leur propre vision d’un expansionnisme impérialiste ukrainien. Selon Kolodzinski, la stratégie pour y arriver était celle de l’«insurrection nationaliste» totale et expansionniste, c’est-à-dire d’un militarisme radical et d’un volontarisme sans pitié à l’encontre de toute personne faisant obstacle. Toutes les méthodes étaient bonnes à prendre.

Citons Kolodzinski dans le texte: «Il est nécessaire de conduire les masses ukrainiennes de la Transcarpathie, de la Galicie, de la Polésie et d’autres régions vers la voie militaire et historique de Sviatoslav. Nous devons rassembler toute cette masse de terre ukrainienne avec leurs peuples, les steppes asiatiques et leurs rivages. Inculquer aux masses la conviction que tout est à nous, que Dieu nous a tout donné et qu'il ne tient qu'à nous de le reprendre. Il est nécessaire d'avoir un esprit guerrier et une soif de se battre contre quiconque s'oppose à nous. Nous devons chercher dans notre histoire des méthodes permettant d'organiser la masse révolutionnaire en phalanges d'acier et de la conduire à la subjugation de l’Europe occidentale.» [p.65]

«L'idéal d’un Ukrainien ne peut pas être la Suisse, car la géopolitique de l’Europe occidentale ne peut tolérer une telle anomalie. Tout doit être grand ici et sans interférences, car il n’y a pas de frontières à l’expansion. Celui qui se prétend le seigneur de Kiev doit avoir le courage non seulement d’avoir un pied ferme sur la longue Volga, mais aussi de traverser l’Oural et de prendre sous son influence militaire et politique toute la bande de l’Asie occidentale, qui est maintenant aux ordres de Moscou. En un mot, nous devons suivre les traces de Sviatoslav». [p.118]

Kolodzinski oppose «l’impérialisme négatif des tyrans, des nomades asiatiques et des moscovites, qui n’ont su que parasiter l’énergie et la richesse des peuples conquis; et l’empire ukrainien du futur qui sera construit sur les principes de l’impérialisme positif comme une nouvelle civilisation d’un peuple libre, une civilisation de synthèse et d’harmonie spirituelle et culturelle entre les peuples.» 

Avant l’atteinte de cette hypothétique «harmonie spirituelle et culturelle entre les peuples», Kolodzinski affirme la «haine nationale» comme un facteur important de la victoire [p. 258]. Son texte est truffé par ailleurs d’appels aux pogroms anti-juifs, mais selon lui, la férocité collective [ukrainienne] devait être dirigée en premier lieu contre les grands groupes nationaux ennemis: «Les premières forces de notre insurrection doivent être dirigées contre les éléments moscovites, polonais et roumains. (…) Et nous pouvons réussir si nous n’hésitons pas à attaquer la population ennemie et les organisations paramilitaires et à les abattre lorsque la force militaire leur viendra en aide» [p.260]. 

En clair, l’auteur ne prône pas seulement la destruction des structures organisationnelles ennemies, mais aussi purement et simplement la destruction des peuples ennemis, ce qui serait qualifié d’intention génocidaire, de nos jours. 

Regain d'intérêt pour le nationalisme intégral

Voyons maintenant comment tout cela se traduit dans l’Ukraine contemporaine. La Doctrine militaire ukrainienne de Kolodzinski a été retrouvée récemment dans des positions militaires ukrainiennes. Publié la première fois en 1940, le texte a été réédité à Toronto en 1957 (l’émigration ukrainienne au Canada) et à Kiev en 1999, mais il ne s’agissait que d’une édition partielle. Une édition spéciale pour le Bataillon Azov a paru en 2014. En 2019, l’ouvrage est réédité dans son intégralité, avec des notes explicatives. Il est intéressant de le lire à travers le prisme du nationalisme ukrainien actuel.

Réédition datée de 2019 de l'ouvrage de Kolodzinski.

Un site ukrainien (porte d’entrée de différents groupes nationalistes ukrainiens) a salué cette publication en ces termes: «L’ouvrage est aussi important (car il développe des idées inédites chez nous sur le militarisme ukrainien) qu’il est d’actualité (car il va encourager une grande armée ukrainienne dans la guerre du Donbass)». L’auteur de la Doctrine militaire est qualifié de «nationaliste exceptionnel», de «héros du nationalisme» qui mérite d’être popularisé.

Azov et le rêve d'un empire ukrainien

Nous voyons que les nationalistes actuels admirent sans trop de distance l’idéologie impérialiste fondée sur l’idée d’un exceptionnalisme ukrainien. Cette fascination pour le «merveilleux passé» médiéval de l’Ukraine, la glorification de la guerre et des héros, est résumée en un paragraphe de la Doctrine militaire de Kolodzinski: «L’immense tâche de notre vie, en tant que peuple, en tant que race, en tant que communauté nationale – est de gagner les steppes vers les mers Noire et Caspienne, les changer en pâturage et construire ici, à l'interface de deux continents, le centre de la nouvelle civilisation mondiale. Ne construisez pas l'Ukraine seulement sur le Dniestr ou le Dniepr, mais l’Ukraine dans les tailles telles que voulues par le Créateur lui-même, l'Europe de l’Est doit être nôtre, car un tel destin nous a été laissé par nos ancêtres. L'avenir de l’Ukraine réside en Europe de l’Est. Ce qui veut dire que nous serons toujours en lutte contre Moscou.» 

Le terme reconquista n’a pas seulement été employé par Secteur droit. Sans parler du tueur de Christchurch en Nouvelle-Zélande, qui y faisait référence lors de son attentat commis contre deux mosquées de la ville en mars 2019, ce projet a été récupéré sans détours par les idéologues du mouvement paramilitaire, politique et social – Azov, infiltré dans la structure étatique et dans le tissu social de l’Ukraine contemporaine.

Dès 2014, Azov avait formulé son projet-manifeste de protéger la «famille blanche» et l’avait qualifié de Nouvelle Reconquista «face au dépotoir culturel multiracial qui se cache sous l’abréviation de RF [Fédération de Russie3]». Dans ce programme, le mouvement saluait même la présence de nationalistes russes en son sein et faisait appel à l’intellectuel racialiste et antisémite, cité plus haut:

«Dmytro Dontsov, penseur ukrainien et nietzschéen, avait raison lorsqu’il a vu deux "races" dans le peuple ukrainien (non pas au sens anthropologique mais au sens spirituel et évolutif): les "chèvres (Cosaques)" et les "cochons". Alors que les aristocrates cosaques exigent une guerre totale, et donc une unité totale, une mobilisation qui attirera non seulement les Ukrainiens mais aussi les Russes, les cochons-plébéiens sont heureux de se cacher sous la fragile coquille des garanties de l’Union européenne et des Etats-Unis, en oubliant qu’il n’y avait pas et il n'y a pas de place pour une Ukraine libre et forte dans les coordonnées du libéralisme occidental. L’amère expérience de la République populaire ukrainienne, avec Petlioura ayant aussi eu le malheur de compter sur l’aide de l’Entente, qui a finalement été divisée entre la Pologne et l’URSS, n’a rien appris aux démagogues démocrates de la Rada4.» 

L’idéologie d’Azov – comme de Secteur Droit en ce sens – n’est pas simplement nationaliste mais plus ambitieusement impérialiste. «Construire un empire avec le centre à Kiev ne sera possible qu’avec le soutien des forces révolutionnaires du peuple russe, et les frontières de cette puissance ne s’étendront pas seulement du San au Don, mais jusqu’en Extrême-Orient inclusivement.» Cela est écrit en 2014…

Or ce rêve d’un «Empire ukrainien descendant des Scythes ensoleillés et des Cosaques chevaleresques», le point de départ de la reconquista, débute à Kiev «qui, contrairement à Moscou et à la ville sur la Neva, souillée par l’Eurasie, représente la base idéale pour un retour aux sources». Le «Kievocentrisme ne devrait causer aucune critique de la part des Russes, et encore moins de la part des Ukrainiens, car la voie de la Reconquista, destinée à la reconquête de notre berceau commun – la Rus’ de Kiev, puis l’ensemble de l’Europe, trouve son origine en Ukraine. C’est ici que se noue le mouvement, capable de protéger l'existence même de la famille blanche et l'avenir de nos enfants. C’est ainsi et cela ne peut être autrement. Nouvelle Reconquista5

Voilà pourquoi le mouvement d’extrême-droite Azov ne ressemble pas à du patriotisme et ne peut pas être affilié entièrement non plus au nazisme et par extension au néonazisme. Il y a des liens certains, au vu des identités graphiques ambiguës développées consciemment, et sans doute stratégiquement, ces liens qui attirent les néonazis internationaux. Mais on constate aussi que le nationalisme ukrainien a sa propre ligne de développement, ce qui le rend d’ailleurs plus dangereux et efficace que ce qui nous est connu. Et cette ligne est effectivement distincte du nazisme ou du fascisme, bien qu’elle ait convergé avec eux indéniablement dans certaines idées pendant l’entre-deux-guerres et la Seconde guerre mondiale.

L'incurie occidentale face au nationalisme ukrainien

C’est ainsi qu’on doit comprendre les nationalistes actuels, qui, reprenant ces idées doctrinaires, n’aiment pas plus les Etats-Unis ou l’Europe faiblarde, selon eux, que la Russie qui représente, temporairement, leur pire ennemi.

Les Etats-Unis jouent seulement la carte de l'Ukraine de loin, semble-t-il. Il n'est pas sûr qu'ils instrumentalisent la vie de ces nationalistes ukrainiens autant qu’ils l'aimeraient et comme on l'imagine. Le régime de Kiev est, lui, certainement beaucoup plus malléable et soumis aux intérêts étatsuniens que ces nationalistes, qui ont maintes fois fait pression sur le gouvernement.

Les Européens, plus près, feraient bien de prendre toute la mesure de ce qu'est le nationalisme ukrainien dans ses extrêmes (qui n’a fait que gagner du terrain depuis 1991), autant qu'ils prennent la mesure – avec des œillères – d'une menace réelle ou supposée d'un expansionnisme russo-asiatique. Ils devraient aussi réfléchir à ce qu'ils souhaitent de mieux, entre un divorce de la Russie et un mariage avec l’Ukraine du nationalisme radical.

En continuant à ne voir le nationalisme ukrainien qu’à travers le prisme de la russophobie ou de la menace russe supposée ou réelle – une spécialité d'universitaires antirusses primaires comme il y a des universitaires antiaméricains primaires – l’Europe se condamne à ne rien comprendre et se prépare à sombrer plus bas qu'elle ne pense, si elle pense encore... 

On pourrait aller jusqu'à dire que cette histoire, donc cette guerre, ne regarde pas (ou plus) l’Europe occidentale. Et qu’il adviendra ce qu'il adviendra, tout à fait indépendamment des gesticulations jaculatoires, politiques, médiatiques ou sous forme de livraisons d'armes.


1Un bataillon OUN a surgi en mars 2014 en Ukraine parmi les dizaines d’autres formés sur le modèle de nationalisme insurrectionnel ukrainien du XXème siècle.

2Cette «Ruthénie» du lointain passé fantasmé est considérée comme l’une des nations à libérer selon la Public Law 86-90 étatsunienne, toujours en vigueur depuis…le 17 juillet 1959. Chaque année, selon cette loi qui demeure absurdement inchangée depuis le temps de la Guerre froide, une «Semaine des nations opprimées» est célébrée aux Etats-Unis. Elle est toujours ouverte par un discours présidentiel. Alors que Barack Obama et Donald Trump s’étaient généralement abstenus d’y mentionner la Russie, Joe Biden réitérait en 2021, comme le faisait en son temps George Bush Jr, en faisant de nouveau explicitement de la Russie une cible des Etats-Unis…

3«Русские добровольцы и Украинская Реконкиста», 6.9.2014. URL: https://inforesist.org/russkie-dobrovolcy-i-ukrainskaya-rekonkista/. Consulté le 24 mars 2019 ; 28 juin 2022.

4«Русские добровольцы и Украинская Реконкиста», art. cit. 

5«Русские добровольцы и Украинская Реконкиста», art. cit. 

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

2 Commentaires

@Chuck50 01.07.2022 | 10h03

«Ce qui se passe actuellement en Ukraine est exactement la mise en œuvre de la feuille de route que Zbigniew Brezinski a décrit en 1997 dans son livre « The Grand Chessboard ».
Le referendum de 1994 du Donbass n’a pas été reconnu pour le gouvernement Ukrainien et c’est depuis que la région est gangrénée.
L’extension de l’OTAN vers l’est était déjà critiquée en 1996 Dmitryi Ryurikov car elle allé isoler la Russie de l’accès à la mer Noire.
L’occident, particulièrement les USA avec leur « American Primacy » porte une lourde responsabilité dans ce conflit.»


@ compagnon de cordée 25.07.2022 | 14h24

«Merci à Mr. Emmenegger pour ce rappel historique.Mais lorsque l'on entre dans l'actualité brûlante il vaut mieux se méfier et ne pas dire n'importe quoi.
En plus ,il nous offre des liens ciblant vers "Donbass Insider" et deux personnages pas très reluisants.
Et là je trouve que BPLT aurait dû , à la fin de l'article, mettre un avertissement de désinformation ou pour le moins ce lien :

https://stop-trolls.blogspot.com/2019/11/la-liste-neofasciste-du-troll-Laurent-Brayard6.html

Voilà qui est fait , en espérant que les prochains lecteurs iront le consulter.»