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«Le Parisien» raconte l’intriguante «opération Pouchkine», une étrange vague de vols de livres précieux, parmi lesquels des éditions originales de Pouchkine, qui ont été signalés dans toute l’Europe depuis le début de l’invasion russe en Ukraine. Le mobile reste flou: appât du gain ou manœuvre nationaliste?



Le récit du Parisien commence par l’interpellation de deux Géorgiens, Valérian et Mikheil, pris en flagrant délit de vol à la Bibliothèque nationale, à Paris. Dans leur viseur se trouvaient six ouvrages d’Alexandre Pouchkine, des originaux en russe datant des années 1820 et 1830. Ces livres ont une valeur de plusieurs dizaines, voire centaines de milliers d’euros.

Mais ce n’est pas ce qui étonne le plus. Ce méfait n’est pas isolé. Selon les enquêteurs français, il existerait un réseau «structuré, organisé et itinérant» de voleurs «chevronnés» pour la plupart des ressortissants géorgiens.

A Paris, mais aussi à Lyon, une vingtaine d’ouvrages de grands auteurs du XIXème siècle, les pères fondateurs de la littérature russe, auraient été dérobés, pour un préjudice total de 800’000 euros pour l’Etat français, propriétaire de ces livres précieux.

Depuis février 2022 et le début de l’invasion russe en Ukraine, c’est une véritable vague de pillages de manuscrits et d’ouvrages originaux russes qui déferle sur les bibliothèques de toute l’Europe. En Pologne, dans les pays baltes, en Allemagne, Suisse et Finlande, des livres similaires et des manuscrits ont également disparu des réserves, plus ou moins habilement remplacés par des copies en fac-similé. A l’université de Varsovie, c’est une collection entière de Pouchkine et Gogol, d’une valeur de plus d’un million d’euros, qui a été ainsi subtilisée. A Genève, un ADN a révélé que les malfaiteurs qui s’étaient emparés de plusieurs originaux de Pouchkine avaient aussi sévi à la bibliothèque de l’ENS de Lyon.

Valérian et Mikheil, mis en examen par la justice française, ont expliqué aux enquêteurs qu’ils étudiaient les ouvrages pour en fabriquer des imitations, revendues dans leur pays aux alentours de l’équivalent d’une centaine d’euros. C’est se donner bien du mal, relèvent les autorités. D’autres suspects ont été surpris en communication avec un mystérieux donneur d’ordres, et tous les indices des policiers spécialisés semblent pointer vers Moscou. 

Plus que la valeur pécuniaire de ce précieux et rare butin, il semble que les «chefs» de ce présumé réseau soient intéressés par la portée et la charge symbolique de ces livres. Il s’agit du patrimoine culturel russe, et en ce sens, la volonté de l’Etat de les rapatrier pourrait se comprendre (voire se négocier?).

Il est impossible à ce stade d’affirmer que les ordres et le soutien logistique proviennent du Kremlin. Vladimir Poutine se montre particulièrement féru de littérature, consacrant Pouchkine plus grand dramaturge de l’histoire russe et citant dans ses discours Eugène Onéguine ou le drame Boris Godounov. La fibre nationaliste de certains, à la droite de Poutine, a peut-être été émoussée par les récents événements en Ukraine, au point de mener une campagne pour rapatrier les trésors culturels russes. Ce sont les aléas de cette même histoire russe qui ont conduit ces précieux livres à être conservés par la France et les pays baltes: nombre d’écrivains et d’artistes s’y étaient exilés avec leur bibliothèque après la révolution d’Octobre.


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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

1 Commentaire

@stef 11.02.2024 | 16h38

«J'y vois plutôt une tentative de Kiev ou de l'Occident de nier et effacer la culture russe !»