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Lu ailleurs

Lu ailleurs / Fraude fiscale? Quelle fraude fiscale?

Yves Genier

5 juin 2018

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Le fiscaliste Yves Noël dresse un constat surprenant dans un merveilleux petit livre admirablement écrit sur un sujet aussi sec qu'une déclaration d'impôt: en Suisse, on ne sait pas combien échappe au fisc.



Il y a quelque chose d'étonnant au pays des mécanismes délicats fonctionnant parfaitement grâce à une parfaite maîtrise de tous les paramètres: en Suisse, on ne sait pas quelles sont les fortunes qui échappent au fisc. Des études académiques fort sérieuses ont été publiées, livrant des estimations par milliards, mais sans jamais donner l'impression de s'approcher vraiment de la réalité. La fraude fiscale demeure, au pays de l'ex-secret bancaire, l'un des derniers tabous.

C'est l'un des constats majeurs dressés par l'excellent ouvrage* publié en mars dernier à la Collection «Le savoir suisse» par Yves Noël,  professeur de droit fiscal et avocat à Lausanne, et ancien secrétaire général du Département des finances du canton de Vaud, ce qui le place parmi les mieux renseignés, et donc qualifiés, pour dresser l'état des lieux.

Rappelant quelques évidences, comme le fait que la fraude est vieille comme l'impôt et touche toutes les catégories sociales de la population, l'auteur démystifie l'un des grands préjugés, celui qui prétend que plus le niveau de taxation est élevé plus la fraude est importante. En fait, on n'en sait rien: les pays du Nord de l'Europe, à la taxation particulièrement élevée, sont tout autant mais pas davantage victimes de fuites que les pays du Sud, fréquemment dénoncés pour leur laxisme supposé. En fait, note l'auteur, c'est dans tous les pays développés que le taux de prélèvements est élevé, atteignant des niveaux records, si l'on inclut les prélèvements sociaux et la TVA, cette grande oubliée de la taxation.

Percer l'armure du «trust de dissimulation»

En parallèle, la lutte contre l'évasion s'est intensifiée au plan international, comme les Suisses s'en sont aperçus à leurs dépens lors de la crise de la fin du secret bancaire entre 2009 et 2014. Mais sans aller jusqu'au bout. Certes, la confidentialité n'est plus du ressort des banques, mais celle des trusts est encore bien là, même si elle s'affaiblit. Pour l'auteur, percer l'armure du «trust de dissimulation», comme il nomme ces structures qui visent à établir une distance fictive entre une fortune et son détenteur pour permettre à ce dernier d'échapper à l'impôt, est la dernière frontière des agents du fisc et des responsables politiques soucieux d'équité fiscale.

Le combat est en cours, il est loin d'être terminé car, au-delà du trust, reste encore l'ultime forteresse fiscale internationale, les Etats-Unis et leur système d'échange d'informations à sens unique («vous me renseignez et je ne vous dis rien») qu'est le FATCA. Mais les contribuables peuvent exiger, à bon droit selon l'auteur, une contrepartie à leur soumission toujours plus large à l'impôt: une baisse des taux. Car si cette dernière n'est pas accordée, à quoi la lutte contre l'évasion fiscale servirait-elle?


La fraude fiscale, Presses polytechniques et universitaires romandes, collection Le savoir suisse, EPFL, Lausanne, 2018, 172 pages.

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